LE TQI, Théâtre des Quartiers du Monde
Mélange des cultures et écoute des marges, [...]
Focus -207-Théâtre des Quartiers d’Ivry
Adel Hakim met en scène Ore, de Gabriel Calderón, en alternance, dans le même décor et avec les mêmes acteurs, avec Ouz, du même auteur. Le jeune Uruguayen crée, à la fin du festival, Ex, écrite à la demande du TQI en 2012.
Comment avez-vous rencontré Gabriel Calderón ?
Adel Hakim : En 2006, j’ai été invité par l’Ambassade de France à Montevideo et la Comedia Nacional. Pendant que je montais avec eux Tendre et cruel et Les Trachiniennes, on me disait d’aller voir un spectacle, à minuit et demi, dans le sous-sol d’un théâtre, Mi Muñequita (Ma petite poupée), d’un jeune auteur, Gabriel Calderón. Cette pièce m’a absolument fasciné ! Sans moyens, avec des acteurs remarquables, elle racontait une histoire qui transgressait tous les tabous. Ensuite, lors d’autres séjours à Montevideo, j’ai vu Ouz et Ore, qui m’ont fait le même effet. Ce choc que j’avais ressenti et que ressentait le public uruguayen pouvait-il se transposer en France ? Le TQI a commandé la traduction de cinq pièces à Maryse Aubert et Françoise Thanas. Dès que les textes ont été traduits, je les ai fait circuler dans les comités de lecture : ceux de Sartrouville et du Rond-Point les ont retenus, et Claire David, d’Actes Sud, m’a appelé en me disant qu’elle voulait les éditer. En janvier 2012, on a organisé un stage de jeu sur l’écriture de Calderón, dans le cadre de l’Afdas. Tout le monde a ressenti l’intérêt de monter ces pièces et de les montrer à un public français. Je n’avais donc pas disjoncté ! Cette écriture impressionnait vraiment les gens !
Qu’évoque cette écriture qui la rend si efficace ?
A. H. : Les pièces de Calderón parlent de la famille. Mais le procédé est très habile, comme si la famille était une microsociété dans laquelle se dévoilent toutes les névroses contemporaines, avec ses secrets, ses tabous, son rapport compliqué au passé. Elles montrent comment chacun est le fruit d’une histoire complexe, à la fois tragique et comique. Concernant l’Uruguay, ça parle de la dictature, et de la manière dont les problèmes liés à cette dictature ne sont pas résolus et génèrent de nouvelles tragédies. Mais quand une pièce est bien écrite et puissante, elle peut s’inscrire dans un contexte local, et devenir universelle. Ça parle de la sexualité, de l’inceste, de l’homosexualité, de la religion. C’est à la fois extrêmement concret et fantastique : dans les trois pièces que nous programmons au TQI, il y a une dimension de science-fiction. En plus, Calderón a le génie du dialogue et des ruptures entre tragédie et force comique. A bien des égards, il y a beaucoup de similitudes entre son écriture et celle de Copi. C’est une écriture très rapide, qui nécessite une énergie énorme de la part des acteurs, car les personnages expriment leurs impulsions presque comme des animaux, sans réfléchir. C’est très intéressant à jouer, car cela révèle les instincts qui sont en nous et comment ils se déchaînent quand la situation est critique.
Propos recueillis par Catherine Robert
Mélange des cultures et écoute des marges, [...]