Focus -142-Un théâtre universel, au c?ur de l?être
Entretien Françoise Letellier
Le théâtre des Gémeaux, devenu l’une des scènes les plus dynamiques
d’Ile-de-France, a fidélisé de grands metteurs en scène. En quoi l’idée de
compagnonnage est-elle importante pour vous ?
C’est la qualité du metteur en scène et son exigence artistique qui guident
mon choix. Aussi, quand le public l’accueille avec bonheur, il devient logique
d’accompagner sur plusieurs projets une démarche artistique forte, et d’avoir
envie de fidéliser de grands metteurs en scène parmi les meilleurs, aussi bien
français qu’européens.
Sept spectacles sont co-produits par le théâtre. Quel type d’?uvres
souhaitez-vous soutenir ? Et au-delà comment envisagez-vous le rôle du théâtre
des Gémeaux dans son bassin de population ?
Situés à 10 mn au sud de Paris, nos coproductions s’engagent quand Les
Gémeaux sont demandés ou se positionnent comme "partenaire parisien" avec une
Création ou une Première en Ile-de-France, par rapport à tel ou tel projet. Dans
ce cas, notre rôle de coproducteur peut jouer à plein, c’est-à-dire engagement à
l’avance avant la création, 3 semaines de représentations, travail presse et
communication sur Paris et l’Ile-de-France. Cela n’aurait pas de sens de faire
une longue série après une présence à Paris. Il y a trop de projets qui ont
besoin d’être présentés sur la région parisienne, et il faut pouvoir être
identifiés. Les Gémeaux rayonnent sur la Communauté d’agglomération des
Hauts-de-Bièvre, rassemblant 7 communes avec un bassin de population de 170 000
habitants, sur tout le sud du Département des Hauts-de-Seine et le sud de
l’Ile-de-France, et enfin sur un public parisien qui s’accroît d’année en année.
La majorité des pièces programmées s’appuie sur de grands textes littéraires,
dont la valeur universelle dépasse largement leur contexte historique. Quel
intérêt accordez-vous au texte théâtral ? Cette qualité littéraire, qui met en
lumière le rayonnement d’une culture, est-elle essentielle à vos yeux ?
Oui, j’aime les grands textes littéraires qui posent les grandes questions
pour notre temps présent, j’aime l’idée de lumière mise sur une "parole juste"
par rapport à l’Homme et à une Société, un "Verbe" qui nous porte vers le haut
et qui nous nourrit. Le texte peut autant être contemporain qu’appartenir au
grand répertoire jusqu’à nos racines gréco-latines. La notion d’universalité est
en effet importante pour moi, car les valeurs universelles sont appelées à
relier les êtres, à rassembler. La recherche du sens de la vie, la recherche des
nouveaux visages du sacré, entraînent, comme dans l’esprit de Kant,
l’élargissement de la pensée comme priorité. Sinon on retombe vite vers le
divertissement, la vanité, la platitude ou encore une proximité familière?
Certains metteurs en scène comme Guillaume Delaveau sont moins connus. Est-ce
l’une de vos missions d’aider à la découverte de jeunes talents ?
Oui, régulièrement dans le domaine du théâtre mais encore de la danse ou de
la musique, il nous faut ouvrir les portes et soutenir les nouveaux talents et
la jeune génération. Guillaume Delaveau en est un exemple et c’est avec grand
bonheur que nous l’accompagnons sur Iphigénie et sur sa prochaine
création Massacre à Paris de Marlowe.
À l’heure de la suprématie de l’industrie culturelle, selon quelles modalités
envisagez-vous le rôle du théâtre et des arts vivants en général ?
Pour moi, un Théâtre est un Espace Lieu/Espace Temps où l’homme retrouve
sensibilité, émotions, plaisirs, interrogations, réflexion, l’ensemble des
?uvres et des signes que s’adressent les hommes pour évoluer et se surpasser.
C’est un Lieu de Partage ; une Respiration ; un Lieu du Dialogue pour aider à
mieux vivre. Il est l’antidote d’une certaine télévision. L’Art vrai, celui qui
me parle le plus, c’est celui qui nous donne le sentiment que l’Absolu est ici
et maintenant, que l’Absolu au fond, c’est l’Homme et le Monde. Nous sommes ici
et maintenant au c’ur de l’absolu, au c’ur de l’être, au c’ur du vrai. Ce que je
combats le plus : le nihilisme envahissant et l’esbroufe.
Propos recueillis par Agnès Santi