Dr Jivago de Dan Jemmett

« Plutôt que le roman de Pasternak, c’est le film de David Lean qui m’a inspiré. Depuis longtemps, je connaissais la musique de Maurice Jarre. Surtout le célèbre air de Lara parce que, quand j’étais enfant, à Londres, les petites camionnettes à glaces le diffusaient pour attirer les clients. Des années plus tard, j’ai vu le film et reconnu la musique avec une espèce de nostalgie délicieuse. Lean ne pouvait pas filmer en Russie. Il a tourné dans les alentours de Madrid, où il n’y avait évidemment pas de neige, et a utilisé de la poudre de marbre et de la cire fondue pour composer un décor en forme d’énorme trompe-l’œil. Il y a en cela quelque chose de très théâtral dans son approche. Même impression d’illusion assumée avec ces acteurs anglais – très anglais, devrais-je dire – qui jouent les Russes sans volonté de singerie réaliste. En travaillant avec les objets, j’ai retrouvé l’esprit de cette démarche.

Poésie et nostalgie

Il y a, chez Lean, une sorte de fétichisation des acteurs. Omar Sharif est désormais pétrifié dans ce portrait de Jivago : il est ainsi figé dans nos mémoires. Je voulais, avec cette adaptation, respecter cette mémoire en évitant d’utiliser les images du film. J’ai donc pensé à la marionnette. Refaire le film n’est pas intéressant. J’ai voulu plutôt un musée de la mémoire, assemblant plusieurs éléments pour raconter l’histoire et surtout explorer ses thèmes, dont celui de la force de la poésie. Chez Pasternak, dans le film, et toujours aujourd’hui, elle est une arme contre les errements de l’idéologie politique. Je cherche cette poésie qui nous emmène dans un grand voyage en train, comme celui qu’imaginait le garçon qui écoutait la musique des camionnettes à glaces et dont je me souviens avec émotion… »

Propos recueillis par Catherine Robert