La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -181-bethune

CHRISTOPHE MOYER

CHRISTOPHE MOYER - Critique sortie Théâtre
© Laurent Philippe

Publié le 10 octobre 2010

L’INHUMANITE DE L’HUMANITE

DANS SHITZ, HANOKH LEVIN RAILLE EN CHANSONS L’HYPOCRISIE SOCIALE, LE CONSUMERISME ET L’INDIVIDUALISME EXACERBE. CHRISTOPHE MOYER FAIT CLAQUER LA RESONANCE POLITIQUE DE CE JOYEUX JEU DE MASSACRE.

« Les personnages ne sont pas des salauds, mais des reflets de nous. » Christophe Moyer
 
Comment Hanokh Levin trame-t-il la satire sociale sous la farce musicale ?
Christophe Moyer : Il met en scène une famille ordinaire engluée dans un quotidien médiocre. Tous rêvent de changer de vie, sont conscients du désastre mais pourtant continuent et dépensent une énergie folle pour assouvir leur propre intérêt, sans aucun sens moral ni égard pour les autres. Ils disent et font ce que la bienséance tait pudiquement d’habitude. En montrant comment l’individualisme forcené gangrène totalement la cellule souche de notre organisation, Levin pointe l’hypocrisie sociale, les faux-semblants, l’inhumanité de l’humanité, avec un humour féroce ponctué de poésie. Comment être altruiste et solidaire quand partout règne la concurrence ? Toutes nos morales sont intenables face à la sainte trinité « performance, ambition personnelle, quête de son propre bonheur ».
 
Levin écrit Shitz en 1975 en réaction à la guerre de Kippour. Comment le conflit résonne-t-il ?
C. M. : La pièce parle de toutes les guerres. Guerre militaire, avec les profiteurs qui essaient de faire commerce de la misère. Guerre des sexes, au sein du couple et avec la fille qui cherche à s’émanciper de l’emprise paternelle et du marchandage de son corps pour le mariage. Guerre des générations, les jeunes travaillant activement à prendre la place des vieux qui possèdent le pouvoir et l’argent. Ils se veulent en rupture mais finissent par reproduire les mêmes schémas dès lors qu’ils ont accédé aux statuts convoités. Ils voudraient pouvoir changer la vie mais ne retiennent finalement que la notion de pouvoir…
 
Tous rêvent d’un ailleurs, leitmotiv des pièces de Levin…
C. M. : Leur incapacité à être actifs dans le présent les précipitent en effet dans l’espoir d’un ailleurs, qui leur sert de béquille pour affronter la réalité absurde de leur existence et ne pas devenir fous. Ils ont leurs addictions, notamment la nourriture. Ils s’empiffrent pour remplir leur vide. Cette fragilité les rend aussi attachants. Les personnages ne sont pas des salauds, mais des reflets de nous, dans ce que nous avons de pire ! Les comédiens les font exister en leur donnant leur sincérité.

Propos recueillis par Gwénola David


Shitz, d’Hanokh Levin, mise en scène de Christophe Moyer. Du 8 au 12 mars 2011.

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