L’ART DE FAIRE FACE A LA TRAGEDIE
AVEC YANN COLLETTE ET NATALIE ROYER, BLANDINE SAVETIER MET EN SCENE OH LES BEAUX JOURS, DONT LA LANGUE ECONOME EXPRIME UNE CONSCIENCE AIGUË DE LA CONDITION HUMAINE.
« La plus exigeante lucidité et la plus exquise élégance devant la vieillesse. » Blandine Savetier
Cette pièce au titre joyeux a-t-elle à voir plutôt avec la vie ou avec la mort selon vous ? Avec la vieillesse ?
Blandine Savetier : Beckett parle toujours de la vie, avec la plus grande conscience de la vieillesse et de la mort. Il n’y a pas de séparation entre elles, venir à la vie c’est déjà commencer à mourir. La question est celle du comment, comment vivre avec cette conscience ? Winnie, c’est une manière d’être à la vie qui combine la plus exigeante lucidité et la plus exquise élégance devant la vieillesse et la décrépitude. Elle sait sa déchéance, le début, l’état présent et la fin inéluctable, toujours elle revient au présent et rend hommage à la “grande bonté”. Bonté de qui, de quoi ? Peu importe, Winnie fait face à la déchéance, au vide, se laisse traverser par le bonheur fugace devant les petites choses. Il n’y a aucune naïveté dans cette capacité d’émerveillement, Winnie voit le déclin inéluctable sans faux semblant, elle en parle ou y fait allusion, avec douceur, avec ironie, avec tolérance. Winnie, c’est l’art de faire face à la tragédie avec une économie de sentiments, élégance dans les rituels de l’existence, tolérance devant la petitesse des humains, et aussi de douces révoltes qui s’estompent en inaudibles sanglots avant de repartir en expressions de petit bonheur. Jouer Winnie, c’est rechercher un idéal de présence et de légèreté, de transparence et d’ironie. Mais Beckett, c’est avant tout une langue.
Quelle scénographie avez-vous voulue ?
B. S. : Le plus grand défi est donné par les indications scéniques très précises de Beckett, et qu’il faut contractuellement respecter. La proposition de Beckett pour Oh les beaux jours est forte, en rupture avec son époque. Il reste que pour un metteur en scène, c’est une gageure que de trouver à exprimer sa vision dans le cadre de ces contraintes, sans compter l’aspect financier auquel nous sommes de toute façon soumis. Avec le scénographe Emmanuel Clolus, je cherche un espace qui nous mette face à l’épreuve du vide.
Propos recueillis par Agnès Santi
Oh les beaux jours, de Samuel Beckett, mise en scène Blandine Savetier, du 25 au 28 janvier
et les 13 et 14 avril.