ALAIN PLATEL

Publié le 10 juin 2010

L’EXPERIENCE TROUBLANTE DU TRAVESTISSEMENT

AVEC GARDENIA, ALAIN PLATEL ET FRANK VAN LAECKE NOUS INVITENT A REMETTRE EN JEU NOTRE RAPPORT AUX GENRES FEMININ ET MASCULIN, EN NOUS FAISANT TRAVERSER L’EXPERIENCE TROUBLANTE DU TRAVESTISSEMENT.

« De vieux messieurs deviennent des femmes éclatantes, exubérantes, magnifiques. » Alain Platel

Le projet sur lequel vous travaillez actuellement avec Frank Van Laecke est intimement lié à votre travail avec la comédienne Vanessa Van Durme. Comment cette collaboration s’est-elle mise en place ?

Alain Platel : Vanessa Van Durme travaille à Gand comme moi. Elle était l’une des interprètes de Tous des Indiens, que j’ai monté avec Arne Sierens en 1999. A cette époque déjà, nous avions parlé d’aborder la question du transsexualisme – Vanessa a en effet commencé sa carrière en tant qu’acteur, puis changé de sexe dans les années 1970. Dix ans plus tard, nous souhaitons revenir sur cette question avec Frank Van Laecke, qui a déjà mis en scène Vanessa dans Regarde Maman, je danse. Vanessa nous a proposé de travailler avec des gens qu’elle a rencontrés il y a trente ou trente-cinq ans, dans le monde du cabaret, et qui pratiquaient le travestissement. Nous approchons le cabaret en interrogeant le parcours de ces personnes, qui ont entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans : leurs vies sont de vraies luttes pour s’affirmer, pour chercher leur identité. Peu d’entre eux ont une expérience professionnelle du théâtre, mais ils ont une énergie sidérante sur le plateau.

Comment traitez-vous les clichés qui restent attachés au transsexualisme ?

A. P. : Frank et moi savons que le public viendra au spectacle avec des préjugés : les plumes, les paillettes… Utiliser ces clichés ne nous fait pas peur, mais l’objectif – même s’il est un peu naïf de l’exprimer ainsi – est d’aller vers l’humanité cachée par ce masque. Il y a une puissance extraordinaire dans le travestissement : de vieux messieurs deviennent des femmes éclatantes, exubérantes, magnifiques. Je voudrais non seulement que les spectateurs portent sur elles un regard respectueux, mais qu’ils tombent amoureux d’elles !

Propos recueillis par Marie Chavanieux

Gardenia, d’Alain Platel et Frank Van Laecke, du 17 au 27 novembre 2010 à 20h30