Fin de l’Histoire
Théâtre de la Colline / d’après Witold Gombrowicz / mes Christophe Honoré
Publié le 26 octobre 2015 - N° 237Après la réussite de Nouveau Roman, Christophe Honoré s’inspire des écrits de Witold Gombrowicz pour interroger le rapport à l’Histoire. Une représentation exaltée et foisonnante, assumant le grotesque et l’insensé au point de s’y perdre.
« Une forme impure, joyeuse et vivace » : c’est ce que recherche Christophe Honoré à travers une écriture de plateau composite créée à partir des acteurs et d’un matériau existant initial. Dans cette veine, Nouveau Roman* fut une formidable réussite vivifiante et captivante, explorant le geste artistique littéraire et le rapport aux autres. On retrouve dans Fin de l’Histoire ce désir de dynamiter les formes, à travers une quête nécessairement exaltée, irrésolue et incomplète, bien loin de toute idée de solennité ou de certitude, s’autorisant même une forme d’idiotie assumée. Mais, peut-être parce que le sujet est ici beaucoup plus grand à empoigner, la représentation se perd dans un foisonnement grandiloquent et brouillon, qui peine à faire sens, ou qui plutôt se laisse submerger par l’insensé qui caractérise son contenu. Comme point de départ : L’Histoire, pièce inachevée de Witold Gombrowicz (1904-1969), en dialogue avec des extraits de son Journal et des articles sur la littérature comme Contre les poètes. Comme décor, celui d’une gare à Varsovie, réaliste et monumentale, avec ses bancs de bois pour accueillir la famille Gombro. Nous sommes le 28 juillet 1939, Witold s’apprête à partir sur un paquebot pour l’Argentine. Ils doivent attendre toute la nuit car le train ne part que le lendemain.
Uchronie loufoque
« Ma vie est désarmée devant l’Histoire. Si seulement je pouvais atteindre le lieu où se crée l’Histoire. », dit le jeune Witold. Accusé d’immaturité, il subit les reproches de sa famille, demande à être placé au cœur de l’Histoire, et se retrouve à la cour prussienne juste avant l’assassinat de l’Archiduc. Christophe Honoré choisit d’investir une autre période : celle des accords de Munich, qu’il remastérise en uchronie loufoque, avec autour de la table Staline, un protagoniste qui change la donne. Lors d’une séquence grotesque, Hitler et le dirigeant soviétique se partagent la galette européenne, tandis que Chamberlain et Daladier font l’autruche. La mise en scène déploie divers tableaux : Witold et sa famille, d’abord, puis Witold et les personnages historiques, avec un détour du côté des philosophes. Les conceptions divergentes de la fin de l’Histoire par Hegel, Derrida, Kojève, Fukuyama sont évoquées. Les mêmes comédiens talentueux interprètent les « grands hommes » et les Gombrowicz. Jean-Charles Clichet, Julien Honoré, Annie Mercier, Marlène Saldana… Witold lui ne subit aucune métamorphose, et le jeune Erwan Ha Kyoon Larcher, qui l’interprète, est plus danseur que comédien, plus évanescent que véhément. Tous ces points de vue et croisements s’accumulent en une représentation confuse dont on ne peut s’empêcher de questionner la finalité…
Agnès Santi
*Lire notre critique, La Terrasse n°203
A propos de l'événement
Fin de l’Histoiredu mardi 3 novembre 2015 au samedi 28 novembre 2015
Théâtre de la Colline
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France
du mercredi au samedi à 20h30, mardi à 19h30, dimanche à 15h30. Tél : 01 44 62 52 52. Durée : 3h. Spectacle vu au Théâtre de Lorient – CDN.