Idem
Organisant l’intrigue autour du souvenir de [...]
Avec Jacques Weber dans le rôle-titre, Jean-Louis Martinelli brosse un portrait nuancé, sobre et sans fard de la maisonnée d’Harpagon, laissant voir les tristes ravages d’un rapport perverti à l’argent. Une sombre comédie…
C’est une mise en scène sobre et nette, sans artifice et sans fioriture, que propose Jean-Louis Martinelli de L’Avare, tableau nuancé à la fois drôle et affligeant d’une maisonnée malade de l’égarement de son maître, car l’avarice insupportable d’Harpagon empêche tout partage et pervertit toute relation. Ses enfants aiment pourtant, de toute la fougue de leur jeunesse, et leurs inclinations s’opposent au projet paternel, plus préoccupé de dot que d’harmonie conjugale. Rien de léger ou d’innocent dans ces jeunes cœurs, ils semblent au contraire parfois cyniques ou désabusés. Evitant tout excès et toute trivialité farcesque, le metteur en scène choisit de mettre à jour un Harpagon austère dont le malheur infini est à la mesure de son insondable avarice. Massif, impressionnant, l’Harpagon campé par Jacques Weber terrorise par ses emportements dignes d’un vieux parrain mafieux et touche par son immense solitude. Il gronde, éructe, parfois murmure, et on doit même parfois tendre l’oreille pour l’entendre. Autant sinon plus de chagrin que de méchanceté chez cet homme, réduit à voir consolation et joie dans une cassette enfouie au fond d’un jardin, dont les écus ne servent jamais à jouir de leur dépense.
Reclus en lui-même
Immense comédien, Jacques Weber, comme reclus en lui-même, souligne l’horreur de cette aliénation qui déifie la possession. Ce qui évidemment peut évoquer aussi notre époque, entre crise des subprimes et autres dérives du capitalisme financier. Jean-Louis Martinelli a choisi des costumes contemporains avec borsalinos et complets ajustés pour certains – notre héros lui demeure en chemise débraillée – afin de dépeindre cette pathologie paralysante et cet individualisme forcené. La Maison de Harpagon est un intérieur fermé et cerné de hauts lambris de boiseries claires, avec pour seul ornement un vieux miroir piqué, et pour seule lumière celle que laissent passer les persiennes. Lieu d’enfermement dépourvu de joie, peut-être ainsi désespérément endeuillée depuis la mort de la mère, la Maison d’Harpagon tout entière est sous l’emprise de l’avarice du père. Il n’est guère que Maître Jacques (Vincent Debost) pour éprouver quelque sentiment pour le vieil homme. Un romanesque invraisemblable dénoue la situation à la fin, et la joyeuse irruption de la gaieté est bienvenue, avant une troublante dernière image, tragique. Avec une très bonne équipe de comédiens : Christine Citti interprète l’entremetteuse Frosine ; Rémi Bichet, Alban Guyon, Sophie Rodrigues et Marion Harlez Citti sont Valère, Cléante, Elise et Marianne.
Agnès Santi
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 14h30. Tél. : 01 48 87 52 55. www.dejazet.com Durée : 2h20
Organisant l’intrigue autour du souvenir de [...]