La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Idem

Idem - Critique sortie Théâtre Paris CARTOUCHERIE
Les Sans cou en quête d’identité. Crédit photo : Simon Gosselin

Reprise / Théâtre de la Tempête / création collective Les Sans Cou / mes Igor Mendjisky

Publié le 26 octobre 2015 - N° 237

Organisant l’intrigue autour du souvenir de la sanglante prise d’otages du théâtre de la Doubrovka, l’équipe des Sans Cou interroge la notion d’identité et confirme son talent.

Le 23 octobre 2002, cinquante rebelles tchétchènes prennent en otage le public du théâtre de la Doubrovka de Moscou. Après trois jours de siège, le bilan est sanglant, autant parmi les terroristes que dans les rangs des spectateurs. Les Sans Cou imaginent que, au milieu de ceux-là, se trouve Julien Bernard, acteur français venu assister à la représentation meurtrière. Blessé, il perd la mémoire et est enrôlé parmi les assaillants rescapés. Après quelques mois passés à leurs côtés, il regagne la France et tente de recomposer son identité, alors que sa femme, devenue folle, meurt de chagrin. Vingt ans après, sa fille, Sam, le retrouve et lui rend son passé. Les Sans Cou font partie de cette nouvelle génération théâtrale qui utilise tous les ressorts des arts de la scène pour raconter des histoires-fleuves dans lesquelles les spectateurs (et particulièrement les plus jeunes) se laissent embarquer avec un évident plaisir. Wajdi Mouawad, qui a soutenu le travail de cette compagnie et de son metteur en scène, Igor Mendjisky, pourrait être considéré comme le père de cette génération nouvelle, dont le théâtre, volontiers lyrique et sentimental, évoque les horreurs de la guerre et du crime, recycle les mythes, la métaphysique et la littérature, interroge les rapports familiaux et la constitution des identités (meurtrières, amnésiques ou éclatées), use en virtuose des nouvelles technologies, et transforme les comédiens en oblats du jeu.

Double leçon d’anthropologie et de théâtre

Il est sans doute trop tôt pour déterminer si se constitue ainsi un nouveau répertoire théâtral, mais il est passionnant d’observer, dans ces propositions, le reflet des préoccupations existentielles de notre époque autant que sa fascination pour les écrans et sa capacité à zapper entre les images et les idées. « Pratiquer l’art de la rupture et du décalage, passer de la comédie à la tragédie, mêler le sublime et le grotesque, la sincérité, le fabuleux et la démesure » : la profession de foi des Sans Cou définit précisément ce théâtre de l’inquiétude actuelle. L’émotion irradie du jeu, le geste est sûr et tous les comédiens d’Idem font preuve d’un talent éblouissant. Capables d’exhiber la théâtralité pour replonger illico dans l’imbroglio romanesque de l’intrigue, ils attestent d’une maîtrise époustouflante et d’une insolente aisance. Quant aux thèmes qu’aborde cette pièce, ils constituent un précieux témoignage sur les affres de la jeunesse occidentale. Angoisse du terrorisme, quête du père, désir d’amour fusionnel, incertitude identitaire et réassurance subjective à l’abri des bandes et des tribus, conviction de la nécessité de reconstruire le politique au sein de collectifs indépendants : les Sans Cou, en contribuant à présenter l’homme et l’art d’aujourd’hui, sont doublement intéressants et, d’évidence, à suivre.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Idem
du jeudi 12 novembre 2015 au dimanche 13 décembre 2015
CARTOUCHERIE
Route du Champ de Manoeuvres, 75012 Paris, France

du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h. Tél : 01 43 28 36 36. Durée : 3h.

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