La fonction de l’orgasme de Didier Girauldon, Constance Larrieu et Jonathan Michel
Sous la forme d’une vraie-fausse conférence [...]
Après l’éblouissante fresque Tous des Oiseaux*, qui emmêle et trouble remarquablement les espaces, temporalités et identités, Wajdi Mouawad crée Fauves. Une interrogation du basculement dans la barbarie.
Seule une brève note d’intention nous renseigne sur la création à venir de Wajdi Mouawad. « Un jour le vent se lève, avec lui tout ce qui depuis toujours se tait, se trame, se tisse et s’entasse. Fauves raconte peut-être ce soulèvement. » y écrit-il. Il poursuit ainsi sa quête artistique, et met en jeu des thèmes qui le taraudent avec toujours une mise à distance paradoxale, à la fois décalée et brûlante : la douleur des héritages, les névroses familiales, l’entrechoquement entre l’intime et l’Histoire (avec sa grande hache), le basculement dans l’horreur assassine et la haine brutale malgré l’amour initial. « C’est une histoire qui tente d’obliger, par la terreur, les personnages à s’extraire de leur domesticité, sans plus d’autre choix que de laisser paraître leur sauvagerie ancienne, archaïque, qui nous habite tous. », confie-t-il.
Effondrement de l’amour
Ralph Amoussou, Lubna Azabal, Jade Fortineau, Hugues Frenette, Julie Julien, Reina Kakudate, Maxime Le Gac-Olani., Jérôme Kircher, Norah Krief, Gilles Renaud, Yuriy Zavalnyouk : une équipe de comédiens chevronnés l’accompagne pour cette nouvelle traversée qui s’aventure au-delà des faux-semblants vers un effondrement programmé. L’auteur et metteur en scène cite en exergue Claude Lévi-Strauss : « En refusant l’humanité à ceux qui apparaissent comme les plus « sauvages » ou « barbares » de ces représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c’est d’abord celui qui croit à la barbarie. » (Race et histoire) Ce qui, pour un auteur aussi attaché au sens et aux silences, aussi aigu et perméable aux douleurs du monde, signifie sans doute bien autre chose qu’une explication sociologique de pacotille, ôtant aux faibles toute conscience, convoquant le mantra de la « banalité du mal » d’Hannah Arendt à toutes les sauces. Wajdi Mouawad est un auteur tragique, qui explore les conditions de la disparition de l’amour, les coups du hasard qui « nous jettent dans l’effroyable, dans l’inouï. » Une création à découvrir à partir du 9 mai au Théâtre de La Colline.
Agnès Santi
*Lire notre critique La Terrasse n°270
du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h. Tel : 01 44 62 52 52. Durée estimée : 4h entracte inclus. Le texte est à paraître aux éditions Leméac/Actes Sud-Papiers.
Sous la forme d’une vraie-fausse conférence [...]