La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2009 Entretien / Emmanuel Demarcy-Mota

Faire circuler la pensée, de la mémoire à l’expérimentation

Faire circuler la pensée, de la mémoire à l’expérimentation - Critique sortie Avignon / 2009
Crédit : Jean-Louis Fernandez

Publié le 10 juillet 2009

Pour le directeur du Théâtre de la Ville Emmanuel Demarcy-Mota, une politique culturelle de qualité doit accompagner les enjeux artistiques, entre expérimentation et reconnaissance de la mémoire. Avec comme axes forts création et diffusion, élargissement du public, découverte d’œuvres nouvelles et pluralité des esthétiques.

Quelle est la politique culturelle idéale ?
Emmanuel Demarcy-Mota : Une politique culturelle passe par les conditions de la création : c’est l’enjeu de toute discipline, théâtre, danse ou musique. Et la création n’est pas un acte éphémère, mais s’inscrit dans la durée. Il faut diffuser les œuvres, les faire circuler dans la confrontation des équipes artistiques. Le public éprouve la nécessité de retrouver telle troupe de théâtre ou de danse, un contrepoint à notre ère du casting et de l’individualisme. La troupe se définit non seulement à travers le compagnonnage des générations, mais aussi comme un symbole des valeurs éthiques et esthétiques qui fondent l’homme.
 
« Le public éprouve la nécessité de retrouver telle troupe de théâtre ou de danse, un contrepoint à notre ère du casting et de l’individualisme. »
 
Comment les œuvres acquièrent-elles une légitimité ?
E. D.-M. : Les œuvres font d’emblée acte de résistance, qu’elles soient le texte d’un auteur contemporain ou ancien, ou bien une écriture chorégraphique. Les pièces d’Horvath, Brecht et Ionesco appartiennent au début du XXe siècle, et elles traversent les grands drames des hommes de ce siècle. Le théâtre permet une réflexion sur l’Histoire. Fort de mon expérience de directeur du CDN de Reims, je crois en l’augmentation du public dans la diversité des âges et dans le gain de spectateurs plus jeunes. Ce mouvement de brassage des publics s’est par exemple vérifié au Théâtre de la Ville avec Wanted Petula de Fabrice Melquiot, destiné au jeune public. La formation des publics est un acquis grâce à l’enseignement du théâtre et de la danse en lien avec l’Éducation nationale. Mais comment prétendre souhaiter un élargissement du public en réduisant les moyens engagés ?
 
Et la place de la culture dans le champ politique et social ?
E. D.-M. : Malgré une problématique économique dominante, la culture et l’art demeurent indispensables à l’imaginaire, à la création et à l’inventivité. La pluralité des esthétiques enrichit le regard, la perception et la vitalité artistique. Chacun peut trouver l’endroit d’une existence autre que celle de la réalité économique. Le théâtre est un lieu symbolique fort, un lieu fixe où l’on reçoit la création et les œuvres, un lieu identifiable. Il s’agit de re-questionner le monde dans l’ouverture des frontières, ce qui a été initié en son temps par le Théâtre des Nations, le Festival de Nancy, le Festival d’Automne, le Festival d’Avignon, l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Nous sommes les contemporains d‘une Europe traumatisée par deux guerres. La circulation des biens et des marchés n’exclut pas celle de la pensée dans le consentement aux différences culturelles, linguistiques, religieuses. Aussi, contre l’art de l’éphémère et du zapping, faut-il savoir passer du temps devant une œuvre et préserver la mémoire des oeuvres. Les politiques culturelles ne peuvent éluder le lien avec l’Histoire.
 
Propos recueillis par Véronique Hotte 

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