Ilka Schönbein transforme le périple initiatique du Petit Chaperon Rouge en une aventure de chair et de sang aux frontières de l’inconscient d’une remarquable puissance émotionnelle. Laurie Cannac interprète le conte.
Petit Chaperon Rouge, rouge coquelicot, petite maison de chair et de sang rouges, rêve de grande forêt à traverser… Une petite fille qui ressemble à un clown blanc, blottie sous la couette de son grand lit blanc, puis décidée à en sortir. Un loup comme une menace absolue, prédateur sexuel. Lorsque Ilka Schönbein visite un conte des frères Grimm, elle s’aventure au plus profond des territoires mouvants entre conscient et inconscient, et fait surgir des images d’une telle puissance émotionnelle que les grands autant que les petits (à partir de huit ans) sont subjugués. Pour ce spectacle, ce n’est pas Ilka Schönbein qui est sur scène mais Laurie Cannac de la compagnie Graine de Vie, qui l’a rencontrée en 2007. Masques, marionnette du Chaperon Rouge, corps et voix forment une vivante et saisissante dramaturgie dont la puissance d’évocation révèle les peurs et les désirs de l’enfant, au fil d’un trajet initiatique risqué. Grâce à un extraordinaire sens du raccourci et du détournement, à un humour ravageur, à des masques d’une étonnante qualité de présence et à un traitement inventif et quasi expressionniste du corps dans l’espace, le périple de la petite fille devient ici une expérience inédite et forte, alors même que la figure du Chaperon Rouge est pourtant l’une des plus célèbres, nourrie de multiples versions (traditions populaires orales, Perrault, Grimm).
Désir transgressif de la petite fille
L’histoire – qui garde ici la figure du chasseur – est finement actualisée, et la figure de la mère abusive pistant sa fille par téléphone interposé, lui intimant de « vite fait rentrer dans les rails », et de ne pas finir comme sa grand-mère, « vieille folle dégénérée », est hautement comique. Le repas de petits légumes qu’elle préconise se transforme en un orgiaque plat de spaghettis et ketchup, une transgression de l’enfant jouissive et sans danger ! Ce qui est à l’oeuvre dans le spectacle, c’est bien le désir transgressif de la petite fille et le franchissement de la limite entre enfance et adolescence, une étape physique autant que mentale. Il s’agit aussi de découvrir un monde extérieur inconnu : un vacarme urbain totalement assourdissant ou le silence d’une forêt, c’est à voir… On retrouve dans cette pièce des thèmes récurrents chez Ilka Schönbein, la relation mère/fille, de même que l’exceptionnelle aventure de l’enfantement, « la fête de la sortie du ventre » avant la redoutable et formidable découverte du monde. A voir aussi dans ce lieu très convivial du XVIIIe arrondissement ( où on ne sert pas de coca mais du jus d’orange bio), Chair de ma chair d’après Aglaja Veteranyi, produit aussi par Le Grand Parquet. Une œuvre d’art au sens plein du terme, que chacun a la chance de pouvoir investir avec son imaginaire. Allez-y !
Faim de loup, à partir de 8 ans, mise en scène Ilka Schönbein du 18 mars au 12 avril, les 4 et 11 avril à 20h, les 5 et 12 avril à 15h, Chair de ma chair, public adulte, du 16 au 18 avril à 20h, au Grand Parquet, 20bis rue du Département, 75018 Paris. Tél : 01 40 05 01 50.
Le 24 avril à 15h et le 25 avril à 19h au Théâtre Gérard Philipe, CDN de Saint-Denis. Tél : 01 48 13 70 10.