M. et Mme Rêve
Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault [...]
Danse - Entretien Alban Richard
Nouvelle création, nouveaux matériaux. Alban Richard déploie un monde vertigineux et foisonnant, une pièce chorégraphique, théâtrale et musicale inspirée par le moyen âge.
Quels sont les nouveaux enjeux que vous avez voulu interroger avec cette pièce ?
Alban Richard : Pour chaque nouvelle création, l’enjeu est pour moi de chercher un objet différent du précédent : chaque objet est unique, avec sa propre structure, son propre processus, ses matériaux, mais toujours dans l’envie de travailler sur la transversalité entre les arts. En fonction des choix opérés, on aboutit à des propositions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Pour cette pièce, l’enjeu était de s’ancrer dans des éléments issus du moyen âge. Je me suis appuyé sur une multitude d’entrées, de pistes de travail et de matières. La pièce déroule sept sections différentes, que l’on a appelées des « chambres ». C’est vraiment comme un polyptyque que l’on déplie. Chaque chambre est reliée à des genres théâtraux ou à des spécificités et moments festifs médiévaux, tels la sotie, l’idée de carnaval, le monologue dramatique, le sabbat, la moralité, les mystères… Nous plongeons dedans pour essayer de trouver une forme que l’on invente mais qui y reste reliée.
Vous vous êtes également tourné vers la transe. Pourquoi ?
A. R. : Je considère ces sept chambres comme autant de rituels de transe et de théâtre. Il y a des rituels lents, des rituels énergiques et dynamiques, des rituels plutôt philosophiques. C’est une soirée chorégraphique, musicale et théâtrale, tout en exubérance, presque gothique. Le gothique force le trait, il dépasse la mesure. En cela je dirais que c’est une pièce « monstrueuse », car elle en contient sept, et déroule une sorte de cortège de corps et de frénésie, des corps qui se montrent dans leur stupidité, leur faiblesse, des corps qui s’exténuent, des corps en transe…
Pourquoi cette distribution totalement masculine ?
A. R. : En faisant des recherches sur les XIIIème et XIVème siècles, je me suis intéressé aux débuts de la chasse aux sorcières et de l’invention du sabbat, aux premières femmes brûlées. C’est comme si le corps féminin de la sorcière, de l’hystérique, de la sainte en extase naissait un peu à ce moment-là. Un corps féminin hors société. Et c’est ce même corps qui hante depuis sept siècles l’histoire de l’art. Cela m’intéresse de montrer des hommes hantés par ces corps-là, et que l’on inverse la tendance car à cette époque, les femmes étaient interdites sur la scène du théâtre dans de nombreuses sociétés. Il y a l’idée du travestissement, de la transsexualité aussi. L’idée de traversée, de rituel, est très importante dans cette pièce : entre les vivants et les morts, entre les hommes et les femmes, entre le moyen âge et aujourd’hui.
Propos recueillis par Nathalie Yokel
Du 5 au 7 mars 2014 à 20h30. Tel : 01 53 65 30 00.