La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Entretien Frédéric Ferrer 

<p>Entretien Frédéric Ferrer </p> - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mai 2007

Pour une géographie des psychoses

En résidence à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard où il travaille avec
les malades depuis cinq ans, Frédéric Ferrer y continue son exploration en
rhizome des paysages de la folie.

Qui est ce mystérieux Ernst Wagner ?

Frédéric Ferrer : Un Allemand qui a vécu au début du siècle
et que j’ai découvert dans une revue de psychanalyse. Instituteur, écrivain et
dramaturge sans succès, il souffrit pendant douze ans d’un délire de persécution
: il était convaincu que ses actes de bestialité, sodomietaten en allemand, dans
l’étable d’une auberge, étaient connus de tous les habitants du village et de la
région. Pour en finir avec cette souffrance, il tue en une seule journée neuf
personnes dans le village de Mülhausen, qui murmuraient sur son passage à propos
de sa bestialité, ainsi que sa femme et ses quatre enfants, pour leur épargner
la honte d’un mari et d’un père criminel. Mais il n?arrive pas à se suicider
comme il l’avait prévu. Ayant été jugé irresponsable de ses actes, il passera le
reste de ses jours, vingt-cinq ans, interné à l’hôpital psychiatrique. Son
psychiatre, Robert Gaupp, fera de Wagner, à travers une monographie exhaustive,
le paradigme du « vrai paranoïaque ». Pendant son internement, Wagner poursuit
son ?uvre. Il écrit Délire, une pièce de théâtre pour dire la paranoïa et
sa vision du monde à travers celles de Louis II de Bavière, protecteur de
l’autre Wagner. Nous en donnerons une lecture à Ville-Evrard le 26 Mai.

« Pour Wagner est une traversée des paysages
paranoïaques. »

Comment adaptez-vous cette histoire à la scène ?

F. F. : Pour Wagner est une traversée des paysages paranoïaques.
Je crois, sans faire de déterminisme, que les lieux nous racontent, qu’ils sont
le cadre de fixation de nos perceptions, délirantes ou non. Le délire de Wagner
est profondément lié à son environnement géographique et à la langue parlée par
les habitants de la région, le souabe. J’avais envie de dire des paysages
paranoïaques, en m’inspirant du parcours de Wagner et en allant voir aussi du
côté d’Aimée de Lacan ou du côté du musicien Wagner, de Louis II de Bavière, de
G.W. Busch et des Américains à Bagdad, autre paysage des délires de grandeur et
de persécution. Le spectacle fonctionnera par associations : je vais tenter de
faire des relations, comme dans la paranoïa, entre des individus, des histoires,
des lieux et des événements apparemment sans lien entre eux. Comme une autre
logique. Le paranoïaque n?est pas celui qui a perdu la raison, mais celui qui a
tout perdu, excepté la raison. J’emprunte finalement à Ernst Wagner l’une de ces
tentatives, celle de dire quelque chose de la paranoïa, par le théâtre. En le
mettant lui-même au c’ur de l’histoire, comme il l’a fait avec Louis II.

Parlez-nous de la résidence de votre compagnie à l’hôpital de Ville-Evrard.

F. F. : Je suis en fin de deuxième année de résidence à Ville-Evrard.
Nous sommes installés dans le bâtiment des Anciennes Cuisines mis à disposition
par l’hôpital, devenu un lieu de fabrication artistique où nous menons des
ateliers avec les patients et présentons les spectacles. Ce lieu est un espace
de rencontre en même temps que de création. Depuis deux ans, on ouvre aussi le
lieu sur la ville de Neuilly-sur-Marne. Je suis heureux de travailler à cet
endroit qui ne cesse de nourrir ma pratique et mes désirs artistiques.
Questionner ces lieux qui étaient des lieux d’enfermement, travailler sur les
espaces vécus, c’est aussi tenter de déplacer nos regards sur ces lieux.

Propos recueillis par Catherine Robert

Pour Wagner, écrit et mis en scène par Frédéric Ferrer. Les 2, 3, 9, 10,
23, 24 et 26 mai 2007 à 20h30. Les Anciennes Cuisines, Hôpital psychiatrique de
Ville-Evrard, 202, avenue Jean-Jaurès, 93330 Neuilly-sur-Marne. Réservations au
01 43 09 35 58. Lettres de Ville-Evrard, d’Antonin Artaud ; mise en scène
de Frédéric Ferrer. Les 11 et 12 mai à 19h15. Lavoir Moderne Parisien, 35, rue
Léon, 75018 Paris. Réservations au 01 42 52 09 14.

A propos de l'événement


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