Encyclopédie des phénomènes paranormaux Pippo y Riccardo

Le plateau est parsemé d’un bric-à-brac d’objets – tente, matelas gonflable, râteau, bouée, œufs, tuyaux, tapis… – qui serviront, au cours de la représentation-performance conçue par Rodrigo García, à toutes sortes d’usages. Souvent les plus inattendus. Cette forme d’extravagance est depuis longtemps la marque de fabrique de l’auteur-metteur en scène hispano-argentin qui signe aujourd’hui la deuxième création d’une nouvelle phase de travail initiée, en novembre 2017, avec le spectacle Evel Knievel contre Macbeth. Ces nouvelles recherches visent à entremêler sur scène, dans un même récit théâtral, littérature, arts vidéos et arts plastiques. « Mon objectif est de trouver une narration qui ait ses propres lois, déclare-t-il, parfois absurdes, parfois gratuites, mais organisées avec précision dans un ensemble qui va au-delà du raisonnement. » En effet. Renvoyant davantage aux mystères poétiques de l’association libre qu’aux enchainements logiques de la pensée cartésienne, Encyclopédie des phénomènes paranormaux Pippo y Riccardo nous balade d’incongruités visuelles en considérations tranchantes sur notre condition d’êtres humains, de projections vidéo en suites d’extraits du Livre des damnés de l’écrivain américain Charles Fort.

Un pied de nez à l’esprit de sérieux

Tout cela, en chassant d’un revers de main burlesque toute velléité d’esprit de sérieux. Car le théâtre excessif qui se présente à nous (déconseillé aux spectatrices et spectateurs de moins de 18 ans du fait de certaines vidéos sexuellement explicites) ne se pousse jamais du col. Il est avant tout une invitation au sourire, à l’étonnement et à l’imaginaire. Interprété par Gonzalo Cunill et Juan Loriente (la création musicale et sonore est réalisée, en direct, par Caballito Netlabel et Chico Trópico), Encyclopédie des phénomènes paranormaux Pippo y Riccardo se passe de ligne narrative. Ici, les accumulations de mots et des gestes, les télescopages poétiques, les divagations littéraires, les effets de ruptures et de paradoxes se suffisent à eux-mêmes. Ils composent une proposition biscornue qui pourra dérouter une partie des spectateurs. Les autres se laisseront embarquer par l’énergie stimulante de ce voyage qui, tout en nous plaçant face à la profondeur de certaines observations et certaines énigmes, semble vouloir se moquer de tout. Y compris de soi-même.

Manuel Piolat Soleymat