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Avignon / 2022 - Entretien / Amir Reza Koohestani
Après Hearing en 2016 et Summerless en 2018, Amir Reza Koohestani présente En Transit, une pièce construite à partir d’une expérience personnelle et du roman Transit d’Anna Seghers, qui à Marseille en 1940 explore les tourments de personnes cherchant à fuir le nazisme.
Cette création s’appuie sur une expérience personnelle. Quelle est-elle et en quoi a-t-elle influencé la pièce ?
Amir Reza Koohestani : En 2018, alors que je me rendais de Téhéran à Santiago du Chili, j’ai fait escale à Munich où, à cause d’une erreur de l’ambassade allemande concernant mes visas, je n’ai pas pu pénétrer dans l’espace Schengen car j’avais dépassé le nombre de jours autorisés pour mon séjour. J’ai donc été conduit dans une « salle d’attente » avant d’être contraint de reprendre un vol à destination de l’Iran. Ce temps partagé avec d’autres personnes qui attendaient une éventuelle expulsion fut une expérience marquante. Quelques mois plus tard, le Thalia Theater à Hambourg m’a proposé de mettre en scène Transit, le roman d’Anna Seghers, où se pressent des gens fuyant le régime nazi, en attente d’un hypothétique visa et en butte au dédale des administrations. Si évidemment je ne peux pas comparer ma situation à celle d’une personne qui doit émigrer parce qu’elle est en danger, la lecture de ce livre a télescopé ma mésaventure, qui m’a soudainement rappelé que même si j’ai présenté nombre de mes pièces dans toute l’Europe et si j’y ai passé un certain temps, je demeure un étranger qui a besoin d’une raison pour y séjourner. Dans la pièce, j’ai voulu conjuguer l’expérience de mon attente et celle de la lecture du roman.
Qui sont les personnages de la pièce ?
A.R.K. : Comme l’induit le concept même de la pièce, les personnages sont réels et/ou fictionnels. Chacun des quatre comédiens interprète deux rôles très contrastés. À la différence de l’adaptation de Hambourg, mon propre personnage est présent, interprété par la comédienne Mahin Sadri. Nous avons aussi ajouté le personnage d’une avocate qu’incarne Khazar Masoumi, présente à Munich en 2018 et à Marseille en 1943, qui ne vieillit pas, ne connaît pas de frontières. Danae Dario interprète Seidler, un réfugié allemand fuyant le nazisme, narrateur de l’histoire, mais aussi né de l’esprit d’Amir, qui l’imagine lorsqu’il est en train de lire. Agathe Lecomte est une réfugiée d’il y a 80 ans, qui lors d’une scène rencontre Amir. Les temporalités et les langues s’entremêlent. Parfois, je brouille les repères pour laisser agir l’imagination du public. Plus d’une vingtaine de scènes se succèdent, avec des transitions entre réalité et fiction, entre projection et réflexion. Je ne souhaite pas fournir d’explications, ni redire l’histoire du roman, mais plutôt la mettre en perspective. Je pense qu’il n’est pas nécessaire que chaque détail soit clair pour que le public s’approprie l’histoire.
Cette expérience a-t-elle eu un impact sur vos sentiments et votre ambition en tant qu’artiste ?
A.R.K. : J’ai passé la plupart de mon temps dans des répétitions et sur des plateaux de théâtre, et il est difficile et parfois même impossible de savoir quelle part de ma vie est mienne et quelle part est une source d’inspiration pour les pièces que j’ai créées. Pour dire la vérité, j’ai toujours été jaloux des artistes qui parviennent à séparer les deux mondes, parce que pour moi ils sont inséparables.
Propos recueillis et traduits par Agnès Santi
à 18h, relâche le 9. Tél 04 90 14 14 14. Durée : 1h20.
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