La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

En corps de Cédric Klapisch dévoile une magnifique captation du mouvement dansé

En corps de Cédric Klapisch dévoile une magnifique captation du mouvement dansé - Critique sortie Danse
Crédit : Emmanuelle Jacobson-Roques Légende : Marion Barbeau, Souheila Yacoub et les danseurs, avec François Civil et Pio Marmaï.

Sortie Cinéma / Réalisation Cédric Klapisch

Publié le 27 mars 2022 - N° 298

Dans En Corps, Cédric Klapisch dévoile une magnifique captation du mouvement dansé, portée par les chorégraphies d’Hofesh Shechter et le jeu de Marion Barbeau, première danseuse du Ballet de l’Opéra de Paris et, peut-on le dire désormais, actrice.

Coulisses féroces de l’Opéra de Paris, lumières de plateau bleutées, ambiance sentencieuse des soirs de première, alourdie par la découverte d’une tromperie amoureuse : c’est par son côté sombre que la danse est d’abord montrée, et ces tensions se reflètent sur le visage d’Élise (Marion Barbeau). De somptueux plans épousent la danse – et non l’inverse -, puis la chute brutale de la danseuse inverse la tendance, pour une traversée de la souffrance avant la reconstruction. On savait Cédric Klapisch féru de danse, qui a souvent imbibé son travail, par touches succinctes dans Poupées Russes (2005) jusqu’à Dire merci (2020), court-métrage sur les danseurs de l’Opéra confinés. Ce nouveau scénario aurait pu se perdre parmi ceux de téléfilms. Mais c’est fort de cette narration simple qu’il amorce son propos : faire un film sur la danse, et non pas l’utiliser comme prétexte. « Quand on fait un film sur la danse, il est impératif que ceux qui jouent, dansent aussi » indique-t-il. C’est assez rare au cinéma pour être souligné, bien que de plus en plus de réalisateurs fassent ce choix, comme dans Polina, danser sa vie (2016) ou Girl (2018).

Un brillant équilibre entre jeu et danse

La réalisation est ainsi exclusivement dévouée à la danse, mettant en valeur ses fragilités, ses variations internes, portant à l’écran avec netteté les composantes du mouvement : énergie – espace – temps. Surtout, elle parvient à célébrer les danses, ici le classique et le contemporain, sans les opposer mais en soulignant leurs singularités. La porosité des deux univers est subtilement soulignée dans un dégagé classique inattendu d’Élise, au milieu du final grandiose de Political mother : The Choreographer’s cut d’Hofesh Shechter, créé en 2011. C’est réellement brillant d’assister à une mise à l’écran aussi juste d’un art qui, historiquement, se réalise sur scène. Telle place n’aurait pu être accordée à la danse sans une distribution pour la questionner et la faire vivre. François Civil et Pio Marmaï, familiers du cinéma de Klapisch, aux rôles forts de vérités dissimulées derrière des personnalités plaisantes. Souheila Yacoub, très affirmée mais pas moins touchante, et Muriel Robin, bienveillante, presque mère de substitution pour Élise. Denis Podalydès, en père qui « comme tout père, n’a jamais été une très bonne mère », mais qui, même de loin et maladroitement, chérit ses filles et brille de l’émotion qu’il déclenche. Hofesh Shechter, dans son propre rôle de chorégraphe, décortique à l’écran son modèle de création chorégraphique, et c’est fascinant. Un ensemble qui s’emboite, se complète et se coordonne pour construire en filigrane la deuxième vie d’Élise. En corps est viscéral.

 

Louise Chevillard

A propos de l'événement

En corps
du mercredi 30 mars 2022 au mercredi 30 mars 2022


Sortie le 30 mars.

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