« En addicto » de Thomas Quillardet, une observation passionnante d’un service d’addictologie
Théâtre de la Ville / Texte et mise en scène de Thomas Quillardet
Publié le 12 octobre 2023 - N° 314Dans un monologue simple, dense et très touchant, Thomas Quillardet fait bruisser un service d’addictologie des paroles des patients et des soignants qui le traversent. Passionnant.
« L’être humain est le seul animal avec un trou à l’intérieur ». Il y a dans les paroles recueillies par Thomas Quillardet tout au long de ses 6 mois de résidence en service d’addictologie d’un hôpital d’Île-de-France, rendue possible par le Festival d’Automne qui le programme, quelques belles trouvailles qui frappent par leur force poétique. Des échanges de ces patients et soignants qu’il a suivis dans leurs consultations, staffs et autres groupes de parole, l’auteur et metteur en scène a tissé un texte dense qu’il rend dans un monologue où les paroles s’enchaînent sans répit, avec d’autant plus de finesse et de vie qu’elles sont rapportées tout en nuances, sans incarnation ostentatoire. Thomas Quillardet, en jeans, chaussures et chemise taupe, porte ainsi avec délicatesse et une immense sympathie pour cette tribu qu’il a côtoyée jusqu’à la fin – on verra pourquoi – plus que des témoignages sur l’addiction : la vie d’un service, une parole foisonnante, parfois drôle, parfois émouvante, pleine de fragilités et d’échos d’un quotidien traversé de fatigues et d’attentions. Une sorte de monologue documentaire ponctué de « Moments Musique » où la question de l’addiction croise celle du soin mais aussi du théâtre.
« L’addiction est une pathologie de l’abandon »
Cela faisait 20 ans que Thomas Quillardet n’avait pas joué et il remonte sur scène avec un véritable amour pour son sujet qui fait certainement beaucoup pour la réussite de son projet. Nul spectaculaire dans les parcours de vie que les patients rapportent par sa voix. D’un voyage en Inde qui met sur la pente de l’opium à la perte d’un enfant, les occasions de plonger dans cette « légitime défense » que constitue l’addiction, parce que « la vie est difficile », sont multiples. « L’addiction est une pathologie de l’abandon » explique un médecin, et à travers ces parcours que Thomas Quillardet a compulsés et maquillés de fiction, secret médical oblige, ce qui frappe surtout, c’est la banalité des trajectoires, la normalité des personnages, qui laissent penser que la dépendance à l’alcool, la cocaïne, le sexe ou le tabac peut en effet frapper à toutes les portes. Quillardet pose également la question du devenir de notre hôpital puisque le service se voit finalement obligé de fermer. Il a également eu la très bonne idée de s’inclure, via le projet de théâtre qu’il y entreprend, comme personnage de son récit, qui devient de facto, non plus un simple observateur mais un véritable membre de la communauté. Car au final, l’aventure humaine que constitue le soin au quotidien fait naître une sorte de grande famille dont Quillardet est membre et à laquelle il est impossible pour le spectateur de ne pas s’attacher. La séparation n’en est que plus émouvante. Et le spectacle infirme et confirme à la fois cette autre phrase rapportée, belle, simple et plurivoque, « être humain, c’est pas facile ».
Eric Demey
A propos de l'événement
En addictodu mercredi 18 octobre 2023 au samedi 28 octobre 2023
Théâtre de la Ville
2 Place du Châtelet, 75004 Paris
à 20h, relâche le dimanche. Tel : 01 42 72 22 77. Durée : 1h20. Dans le cadre du Festival d'Automne. Spectacle vu à l’Azimut à Châtenay-Malabry.
Tournée
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>>> 24 au 26 janvier 24
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>>> 2 au 5 avril 24
Le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines - Scène nationale
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Le Théâtre d’Angoulême - Scène nationale
>>> en cours
TGP - CDN de Saint-Denis > en décentralisation à l'hôpital