La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien

Dominique Hervieu

Dominique Hervieu - Critique sortie Danse Lyon
Crédit : Stéphane Rambaud Légende : Dominique Hervieu, directrice de la Biennale de la Danse de Lyon.

Région / Lyon / Biennale de la Danse de Lyon

Publié le 24 août 2016 - N° 246

La 17e édition de la Biennale de la danse de Lyon ouvre ses portes le 14 septembre et présente un instantané saisissant du paysage chorégraphique d’aujourd’hui. Rencontre avec sa directrice, Dominique Hervieu.

Quelles sont les orientations de cette nouvelle Biennale ?

Dominique Hervieu : Je m’appuie toujours sur les auteurs, j’écoute les artistes que je rencontre, et, jusqu’à présent, a toujours émergé une sorte de thème récurrent, qui tient peut-être à l’air du temps, qui crée un lien, sans que les artistes discutent entre eux. À chaque édition, donc, on peut dégager une ligne de force qui s’impose. Il apparaît que le dialogue entre danse savante et danse populaire est un fil rouge de cette édition. Ce sera donc un des temps forts, matérialisé par un parcours au sein de cette Biennale.

« Le dialogue entre danse savante et danse populaire est un fil rouge de cette édition. »

Il semblerait que les emprunts aux danses populaires soient tendance dans les chorégraphies d’aujourd’hui…

D. H. : Cette tension entre danse savante et populaire court depuis les débuts de l’Histoire de la danse, mais semble plus assumée, plus élaborée aujourd’hui par les chorégraphes eux-mêmes. De nombreuses créations puisent dans les danses de club, les danses folkloriques, ou même la pop. C’est pourquoi j’ai choisi de présenter en ouverture les « jerks » extraits de Messe pour le temps présent de Béjart et le Grand Remix qu’en a tiré Hervé Robbe. J’ai choisi de le programmer gratuitement au Musée des Confluences qui présente l’exposition Corps Rebelles, parallèlement à la Biennale. Ces résonances et emprunts donnent à cette édition une dimension historique.

Pouvez-vous nous décrire ce parcours ?

D. H. : Le parcours se décline en huit œuvres qui revivifient la danse avec une belle liberté et des angles différents, explorant souvent l’origine de l’amour de la danse. Ses premiers abandons, ses premiers plaisirs kinésthésiques, cinétiques ou érotiques. C’est typiquement le cas du syndrome ian de Christian Rizzo, mais aussi de Are friends electric ? de Yuval Pick. Cecilia Bengolea et François Chaignaud hybrident le dance hall et le chant grégorien, avec une dimension politique de contre-culture jamaïcaine. Et bien sûr y participent Jean-Claude Gallotta et Olivia Ruiz dans Volver, ou  Jan Duyvendak dans Sound of Music. Ou Jonah Bokaer, chorégraphe américain abstrait, qui collabore avec Pharell Williams, le roi de la pop actuelle. On y trouve aussi Corbeaux de Bouchra Ouizguen, et ses chanteuses de cabaret traditionnel marocain, ou le Groupe Acrobatique de Tanger. Et bien sûr le Battle of Styles. Concourront le Ballet Preljocaj, des ex-danseurs de Forsythe, les Saxonz de Dresde, et les Pokémons, nos champions lyonnais.

Il semble que l’on peut également déceler dans cette édition un souci du politique…

D. H. : Sans avoir défini un parcours spécifiquement politique, des démarches sensibles incarnent à travers les corps les bouleversements profonds qui agitent notre société. On retrouve souvent les mêmes que ceux précédemment cités, c’est juste la focale qui change. Certes, Alain Platel qui fait un parallèle entre 1900 et notre époque à travers la musique de Mahler, ou Roy Assaf qui évoque la Guerre des Six jours sont ancrés dans le politique.  D’une manière générale, la grande majorité des pièces présentées veut renouer avec la réflexion et l’interrogation du monde. Par exemple, comment l’art peut-il prendre en charge les émotions violentes d’une époque ou d’une société en tant que langage, articulation, écriture ?

Le Défilé est porteur de valeurs humanistes et utopistes qui combattent depuis toujours le repli identitaire. Comment l’avez-vous conçu pour cette édition ?

D. H. : Le hasard veut que je l’ai nommé « Ensemble », avant les attentats. Bien entendu, c’est un enjeu citoyen de taille. Avec ses 5000 participants réunis en 12 groupes, c’est un facteur de mixité sociale. Chacun peut y participer à son niveau, y compris les gens les plus éloignés de la culture. C’est le symbole d’une société ouverte. À l’heure du repli sur soi, la pratique artistique permet de surmonter des difficultés intellectuelles ou identitaires. L’histoire lyonnaise a intégré ces données de façon intuitive et festive. Je suis persuadée de la nécessité d’une éducation artistique. Nous menons tout un travail pour que l’ensemble des participants puisse avoir accès aux salles. Pour certains jeunes, l’expérience artistique est le seul moyen d’aborder des questions de fond, de réveiller leur imaginaire. Nous avons également prévu une journée de réflexion avec Libération autour du thème : « La culture peut-elle faire société ? » Le Défilé se termine par un spectacle Place Bellecour. Cette année ce sera Yoann Bourgeois aux commandes. Mon idée étant que le succès de l’édition précédente soit offert à tout un chacun lors de la suivante. J’assume pleinement la dimension populaire d’un spectacle rassemblant 20 000 personnes.

 

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

17e Biennale de la Danse de Lyon
du mercredi 14 septembre 2016 au vendredi 30 septembre 2016


Billeterie Office de Tourisme, Place Bellecour, Lyon 2. Tél. : 04 27 46 65 65.

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