Notre histoire de Stéphane Schoukroun et Jana Klein
Stéphane Schoukroun, juif séfarade, et Jana [...]
La pièce de Sara Stridsberg éclaire l’extraordinaire et scandaleux destin de Christine de Suède (1626-1689). Au-delà des questionnements sur le pouvoir au féminin, elle interroge la tragique solitude d’une « Fille Roi », avec Marie-Sophie Ferdane dans le rôle de Christine. Un geste artistique de belle facture par Christophe Rauck et les siens.
Quel personnage flamboyant, excessif, hors normes ! Christine de Suède résiste aux définitions, et sa vie même s’apparente à un récit shakespearien. A la mort de son père Gustave II Adolphe, la petite fille de six ans hérite du trône du royaume de Suède. Privée d’enfance, élevée comme un garçon, elle accède au pouvoir à l’âge de 18 ans. Amoureuse des arts et des lettres, passionnée de philosophie – elle fit venir Descartes en Suède, qui y mourut –, elle refuse les carcans normatifs. Après La Faculté des rêves, qui éclairait la personnalité de la féministe radicale Valerie Solanas, Christophe Rauck revient à l’autrice suédoise Sara Stridsberg qui avec cette pièce interroge l’exercice du pouvoir au féminin. Sans linéarité, les scènes condensées et tranchantes se succèdent, chacune mettant en présence Christine et un personnage de son entourage : le Pouvoir qui l’exhorte à se marier pour régner (Christophe Grégoire), son prétendant Love (Emmanuel Noblet), le philosophe (Habib Dembélé) avec qui elle débat de sa fonction de roi et de son identité – « je ne suis pas une femme » –, le fantôme du père mort (Thierry Bosc), Belle (Carine Goron), sa dame de compagnie et amante, sa mère Maria Eleonora (Murielle Colvez)… En se déployant dans une abstraction épurée, le jeu laisse émerger l’intensité complexe des relations et conserve toujours une élégance. D’emblée est instaurée une tension irréconciliable entre le dedans et le dehors, la sphère intime et la sphère publique, le désir et le devoir. Les deux se télescopent, car ce que veut cette « Fille Roi » devient un ordre. Si elle n’a que faire d’être un guerrier conquérant, cela ne l’empêche pas d’avoir les armes à la main et d’exécuter à tour de bras.
Une Fille Roi qui ne plie pas
Au-delà de la problématique du genre et du pouvoir, ce qui apparaît dans cette pièce, c’est avant tout la formidable complexité du personnage, pétrie de paradoxes et contradictions. Serait-elle « une anomalie », comme le suggère le philosophe ? En scène du début à la fin du spectacle, tels les grands monstres shakespeariens, Marie-Sophie Ferdane réussit à donner corps à cette tragique complexité. Héritière d’un trône et d’une enfance brutalisée, brillante et rétive aux conventions, La Fille Roi s’abandonne à elle-même et ordonne, dans une agressivité et une insensibilité aux lois du monde. Elle touche parfois, elle agace souvent, ne cherche pas à faire sens. La comédienne ancre son jeu dans une dimension enfantine, pulsionnelle, là où la volonté prétend ne tenir compte que d’elle-même, malgré les blessures profondes. C’est peut-être surtout en cela que la pièce émeut : dans l’exercice si fragile du libre-arbitre, au cœur de la machine du monde tel qu’il va.
Agnès Santi
mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h, dimanche à 15h, mardi. Tél : 01 46 14 70 00. Durée : 2h10.
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