Iphigénie
Après s’être fait remarquer par sa mise en [...]
Avignon / 2018 - Entretien / Ivo van Hove
Après le retentissement des Damnés, l’année dernière dans la Cour d’honneur du Palais des papes, le metteur en scène flamand Ivo van Hove est de retour à Avignon avec une adaptation de Vieilles gens et choses qui passent, roman du grand écrivain néerlandais Louis Couperus.
Bien que considéré comme l’une des grandes figures des Lettres néerlandaises, Louis Couperus est assez peu connu en France. Comment pourriez-vous le présenter ?
Ivo van Hove : C’est sans doute l’auteur hollandais le plus connu dans son pays. Il a écrit énormément de livres, entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. On pourrait dire que Louis Couperus est en quelque sorte le Thomas Mann ou le Marcel Proust hollandais. Mais c’est vrai qu’il reste assez peu connu à l’étranger. Son œuvre est pourtant traduite dans une vingtaine de langues, dont le français…
Quels aspects de son écriture vous intéressent particulièrement ?
I. v. H. : La vision avant-gardiste du monde qu’elle propose. Dans ses livres, Louis Couperus explore les grandes questions de l’existence, comme la famille, le mariage, notre difficulté à accepter l’idée que l’on va un jour disparaître… Vieilles gens et choses qui passent, le roman à l’origine de ce spectacle, parle de cela. Mais il est aussi traversé, comme d’autres de ses textes, par le choc des cultures que révèle la confrontation de deux mondes : d’un côté la société calviniste de la Hollande qui a vu naître cet écrivain, de l’autre la société à caractère plus charnel, plus sensuel des Indes néerlandaises (ndlr, l’actuelle Indonésie) où il a également vécu, et qui occupent une place importante dans son œuvre. Tous ces sujets résonnent de façon extrêmement aiguë dans notre époque. Louis Couperus est certes un auteur qui a vécu dans le passé (ndlr, il est né en 1863 et mort en 1923), mais c’est pour moi comme un auteur contemporain.
« Louis Couperus est en quelque sorte le Thomas Mann ou le Marcel Proust hollandais. »
Les Choses qui passent raconte d’ailleurs l’histoire d’une famille qui pourrait presque être une famille d’aujourd’hui…
I. v. H. : Oui, une famille au mode de vie très moderne, dont les membres vivent dans différents pays : à La Haye, mais aussi à Bruxelles, à Nice, en Angleterre, en Indonésie. Cette famille cache un secret, le meurtre de son époux par la grand-mère du personnage central. Comme je l’ai dit, au cœur des Choses qui passent se déploie la question de notre rapport à la mort. Il faut préciser que pratiquement tous les personnages sont très âgés. Le plus jeune à 39 ans, mais il a déjà l’impression d’être un centenaire. Dans ce roman, la mort rôde en permanence. On sent qu’elle va arriver, mais on ne sait pas quand. Et on ne veut pas qu’elle arrive. Pour ce spectacle, mon scénographe, Jan Versweyveld, a imaginé un décor qui représente une grande salle d’attente : une salle d’attente pour la mort.
Au sein de cette salle d’attente, résonnent des cloches dont joue un musicien présent sur scène. Quel rôle la musique occupe-t-elle dans votre création ?
I. v. H. : Un rôle fondamental. Avec le son des cloches, c’est la notion de l’attente et du temps qui s’impose à nous. Le temps qui s’écoule, inéluctablement, et qui nous rapproche de l’heure de notre mort. J’ai mis en scène Les Choses qui passent un peu comme une tragédie grecque, comme un chant, un chant du cygne, pourrait-on dire. Comme un grand chœur opératique donnant corps à une polyphonie de personnages.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
à 22h, relâche le 16. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 2h10.
Après s’être fait remarquer par sa mise en [...]