Pièce d’actualité n° 1
La nouvelle directrice du Théâtre de la [...]
Dans sa dernière pièce, l’auteur britannique Martin Crimp interroge le « vivre ensemble » et les illusions de notre époque. Elise Vigier cosigne, avec Marcial Di Fonzo Bo, la mise en scène d’un spectacle qui se propose comme une expérience vivante et joyeuse.
Dans la République du bonheur* se décompose en trois parties radicalement différentes. Pouvez-vous revenir sur la construction de cette pièce ?
Elise Vigier : A travers ce texte, Martin Crimp interroge le groupe, le « vivre ensemble », mais il interroge aussi la forme même du théâtre. La première partie, qui est la plus classique, présente une famille réunie lors d’un repas de noël. Au milieu de ce repas, un oncle fait irruption et détruit le statu quo qui prévalait jusque-là en se lançant dans un long monologue. Ainsi, par le langage, il crée une rupture et fait naître la possibilité d’un nouveau monde, d’une République du bonheur… Dans la deuxième partie, il n’y a plus de personnages. Crimp nous propose d’expérimenter les cinq libertés essentielles de l’individu. Quant à la troisième partie, elle nous plonge dans l’espace-temps non défini de cette République. Cet espace-temps nous renvoie à une époque futuriste, au temps « du juste après »…
Quelles questions met en lumière cette époque indéfinie ?
E. V. : Elle explore la question du langage, comment il finit par se vider. Elle questionne l’origine de la parole (qui est-ce qui parle lorsque je parle ?), le système néo-libéral, les injonctions perpétuelles au bonheur de notre époque, le prêt-à-penser… Crimp met en jeu toutes ces notions par le langage, par le théâtre, par le corps… Ces notions nous concernent tous, car elles réussissent à entrer, malgré nous, en chacun d’entre nous. Ce que je trouve très beau, c’est que cette pièce ne s’installe jamais ni dans la dénonciation, ni dans une vision béate du bonheur total. Dans la République du bonheur nous place en situation instable. Cette pièce ne nous permet jamais de nous installer dans quoi que ce soit : on est toujours en mouvement.
« Cette pièce ne s’installe jamais ni dans la dénonciation, ni dans une vision béate du bonheur total. »
Comment s’exprime, sur le plateau, cette instabilité ?
E. V. : Par une vitalité des corps et du langage, et aussi par la joie. Car il s’agit d’une expérience très joyeuse. Ce qui est fondamental dans cette pièce, mais aussi dans la façon dont Marcial et moi-même avons voulu l’aborder, c’est de ne jamais laisser échapper cette vitalité, cette énergie qui passe aussi par la musique et par la danse. Il y a toujours, quelque part, un point de résistance. On n’est jamais complètement avalé par le texte : il reste des interrogations à explorer, des zones de complexité qui ne sont pas résolues. Dans la République du bonheur est une pièce qui fait penser, qui ne se résume jamais à un point de vue manichéen sur quoi que ce soit. Parfois, on en arrive à se demander ce qui est inquiétant dans cette vision de société. On ne sait plus ce qui ne va pas, mais on sait que quelque chose ne va pas…
* Le théâtre de Martin Crimp est publié par L’Arche Editeur.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
à 20h30. Tél. : 01 30 96 99 00. www.theatresqy.org Théâtre National de Chaillot, 1 Place du Trocadéro, 75116 Paris. Du 21 au 30 novembre 2014. Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30, le samedi 29 à 14h30. Tél. : 01 53 65 30 00. www.theatre-chaillot.frEgalement les 13 et 14 novembre 2014 au Théâtre du Beauvaisis à Beauvais, du 4 au 6 décembre au Nouveau Théâtre d’Angers, du 9 au 11 décembre à la Comédie de Saint-Etienne.
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