Festival Trajectoires du Centre Chorégraphique National de Nantes
Le festival impulsé par le CCN de Nantes il y [...]
Il y eut le Pina de Wim Wenders, il y aura le CUNNINGHAM d’Alla Kovgan. Pour l’utilisation de la 3D, bien sûr, mais surtout pour sa plongée dans une œuvre et dans une époque, laissant la part belle à la parole du chorégraphe.
C’est le danseur français Ashley Chen qui ouvre le film avec Idyllic song, solo de Merce Cunningham chorégraphié en 1944. Face caméra avec effet de travelling et de zoom, il habite la danse du maître américain dans un long tunnel berlinois déserté pour l’occasion. Cette première séquence montre la dimension à la fois coopérative et internationale du film, en préparation depuis 2013 entre New-York, Paris et Berlin, avec la collaboration de Robert Swinston, directeur du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers, et avec une grande attention portée au remontage des pièces dans des contextes particuliers. Ainsi l’on se promène sur les toits de Westbeth, où se trouvait le studio de Merce Cunningham, profitant d’une vue aérienne époustouflante de New York, au cœur d’une forêt de pins immensément hauts (Rune), ou dans un parc arboré (Suite for two). Les intérieurs sont eux aussi particulièrement soignés, comme dans la lumière tamisée d’un moucharabieh (Crises), dans une friche industrielle ou une salle de concert de Hambourg. C’est là la force des images de la réalisatrice Alla Kovgan, qui fonctionnent autant en 3D qu’en 2D : rejouer la stricte chorégraphie ou l’event, mais dans un environnement qui réinvente le regard que l’on peut porter sur l’œuvre, sans jamais la dénaturer. Avec une donnée supplémentaire, quand la caméra circule au plus proche des corps, renouvelant notre expérience de spectateur.
Images nouvelles et archives essentielles
Le documentaire n’est pas un hommage ou un retour hagiographique sur l’œuvre d’une vie : il s’attache – et c’est un vrai parti pris de la réalisatrice – à une période très précise du travail de Merce Cunningham, entre 1942 et 1972. Soit celle de l’éclosion puis la consolidation de sa démarche, et de ses rencontres et collaborations essentielles avec John Cage et Robert Rauschenberg, avant que ne se renouvelle son équipe de danseurs de la première heure et qu’il consacre lui-même une partie de ses recherches à l’image (vidéo et nouvelles technologies). Il repose également sur la parole du chorégraphe et des archives pour certaines inédites, qui jalonnent le documentaire et viennent parfois en surimpression des images actuelles. La réalisatrice va droit au but dès le début du film, pour mieux nous rappeler d’emblée la pensée de Cunningham : « Je n’ai jamais été intéressé par la danse qui renvoie à un sentiment, ou en un sens, qui exprime la musique. La danse ne renvoie à rien, elle est ce qu’elle est : une expérience visuelle totale », nous dit-il. Et ça fait toujours autant de bien de l’entendre.
Nathalie Yokel
CUNNINGHAM, d’Alla Kovgan, au cinéma le 1er janvier 2019, en 2D et 3D dans les salles équipées.
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