Cristina Hoyos
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Publié le 10 novembre 2011 - N° 192
L’amour et la grâce de l’art flamenco
Depuis son enfance, Cristina Hoyos danse. Célèbre dans le monde entier, reconnaissable à son extraordinaire pureté et fluidité de mouvement, elle a fait rayonner le flamenco sur les scènes de théâtre les plus prestigieuses. Elle revient à Paris avec El Poema del cante jondo en el café de Chinitas, inspiré par les œuvres éponymes du poète Federico Garcia Lorca.
« Dans ce spectacle, nous avons voulu transmettre l’essence des poèmes de Federico. »
Vous aimez le grand poète Federico Garcia Lorca, qui lui-même aime le flamenco et la musique. Quelles sont vos affinités avec le poète ?
C. H. : Comme dirait mon grand ami et scénographe José Carlos Plaza, « Lorca nous enivre comme une drogue ». Je suis allée vers lui tout comme lui est revenu vers moi… En 1974, j’ai joué le rôle de la fiancée dans Noces de Sang (pièce adaptée au cinéma en 1980) dans une chorégraphie d’Antonio Gades, ensuite j’ai joué le rôle d’Adèle, la cadette de La maison de Bernarda Alba dans une chorégraphie de Rafael Aguilar. J’ai présenté Yerma à l’exposition universelle de Séville en 1992. En 2003, pour le festival Lorca y Granada, nous avons créé une autre version de Yerma et Romancero gitano. Aujourd’hui, nous avons voulu revenir avec quelque chose de différent : El Poema del cante jondo en el café de Chinitas a surgi, deux œuvres en une, l’histoire d’un café « chantant » où le plus profond imprègne le scénario tandis que le plus joyeux se déroule dans le café. Nous sommes 16 danseurs, 3 chanteurs et 3 musiciens.
Comment avez-vous choisi les poèmes que vous chorégraphiez ? Comment exprimer l’univers et l’esprit du poète avec la danse ?
C. H. : José Carlos et moi-même décidons des poèmes après de multiples relectures. La poésie de Lorca est nourrie de métaphores et il est nécessaire de la lire plusieurs fois pour en éclaircir et révéler le sens. Dans ce spectacle, nous avons voulu transmettre l’essence des poèmes de Federico. Pour illustrer ce qui se passe dans “notre“ café chantant, nous avons choisi l’Anda jaleo, la ballade Les trois fleuves, le Zorongo, les sévillanes du XVIIIème siècle, Los cuatro Muleros, La Tarara et El Vito entre autres. Le scénario dévoilera des poèmes profonds tels que Le silence et le cri, la Soléa, la Saeta, la Petenera… A mes yeux, c’est un spectacle très abouti, car José Carlos et moi-même ressentons les mots de Federico comme des éléments vivants, capables de toucher, être en mouvement, des mots qui nous viennent d’Andalousie. Le flamenco ensorcelle Lorca, le transforme et le porte vers les cieux de la poésie. Federico déploie son univers avec un rare éclat, comme lorsque quelqu’un étend un drap au soleil.
Quelle partie du spectacle dansez-vous ?
C. H. : Après avoir interprété des personnages forts et profonds, j’ai demandé à José Carlos de changer de registre : dans ce spectacle, j’incarne un personnage plus joyeux, moins tragique, une vieille prostituée qui tire les cartes et danse le « Zorongo » aux côtés des garçons de la compagnie. Nous dansons tous ensemble des danses sévillanes du XVIIIème siècle, avec Juan Antonio, mon compagnon sur scène et dans la vie. Même si je ne danse pas beaucoup, je suis la plupart du temps présente sur scène et fais partie intégrante du paysage du café.
Propos recueillis par Agnès Santi
El Poema del cante jondo en el café de Chinitas d’après Federico Garcia Lorca, par le ballet flamenco Cristina Hoyos, du 29 novembre au 3 décembre à 20h30 au Palais des Congrès de Paris. Tél : 0892 050 050.