Dramuscules
Sous la direction de la metteure en scène [...]
Thibaut Rossigneux met en scène une fable fantastique qui ausculte la science et le mystère du vivant.
« A l’église je manœuvre toujours pour m’asseoir derrière lui. (…) L’étrangeté de son allure je te l’avoue, bouleverse mon sens de l’esthétisme, je ne sais pas le dire autrement. ». Depuis des mois, Hunter, médecin de campagne habile au scalpel, observe O’Well, le géant de la ville. Né tordu, tassé au commencement, voûté en ogive par le temps, l’homme vit reclus dans sa tanière, soliloque parmi les ombres, discute de graines germées avec son voisin apothicaire ou dialogue secrètement avec sa fille enfouie sous la terre. Hunter, qui pratique la dissection de cadavres en tout genre, traque cette inquiète silhouette, fascinante par l’extravagance de sa taille et sa difformité, par sa différence d’avec le commun des mortels. Il la désire par delà toute raison. Sans doute parce qu’il devine sous la peau de sa proie l’articulation des chairs, la mécanique des os, la pulsation du sang… le mystère du vivant.
Dispositif plastique
Auteure de bel imaginaire, Stéphanie Marchais ourdit son texte aux lisières du fantastique et tend la quête de l’anatomiste sur la trame d’un questionnement sur la science quand elle s’obstine dans sa recherche jusqu’à la folie. La vie et la mort, le passé et le présent, l’organique et le technologique sans cesse se troublent dans le clair-obscur des êtres. C’est toute l’intelligence de la mise en scène de Thibault Rossigneux, qui cosigne aussi la scénographie, que de donner corps à ces visions. La partition, qui enchâsse des monologues ponctués de scènes dialoguées, mériterait certes d’être resserrée pour tenir mieux la tension dramatique. Mais Christophe Girard (O’Well) s’empare de cette langue très littéraire avec le souffle qu’on lui connait et libère d’entre les mots la douleur sourde de ce poignant colosse. Il trouve des partenaires à sa mesure, notamment chez Géraldine Martineau qui apporte une juste touche d’innocence. Le dispositif plastique, tapissé de terre, se déploie comme un espace symbolique et dévoile le for intérieur des personnages, là où résonnent les peurs d’enfance et l’effroi métaphysique face à l’énigme de l’humain. « Ce n’est que ça un homme, Quelques grammes de chairs rouges ? »… La question reste en suspens.
Gwénola David
Sous la direction de la metteure en scène [...]