Cinq visages pour Camille Brunel

Fantasme effarant (parfois passé du côté du réel), la menace de Big Brother a aujourd’hui changé d’échelle et de nature ! La modernité toujours surprend, chacun est maintenant sous le regard de tous, et l’infinie et perpétuelle représentation du moi est un bon moyen de tromper et sa solitude et son ennui. Le Théâtre PAP s’empare du thème des réseaux sociaux et met en scène cinq jeunes adultes avec leur foule d’amis virtuels, leur orgie de références culturelles, leur urgence de dire (vite !), de montrer et d’aimer. « Les médias sociaux sont pour moi un théâtre, où le metteur en scène, l’auteur et le personnage principal sont une seule et même personne. » confie l’auteur Guillaume Corbeil. Et le metteur en scène Claude Poissant suggère que le spectacle parle « d’extimité ».

Je est partout !

Comme le remarquent Nicole Aubert et Claudine Haroche dans  Les tyrannies de la visibilité – le visible et l’invisible dans les sociétés contemporaines, (Éditions Érès, 2011), « À côté du désir d’intimité de chacun est apparu à travers ces nouveaux réseaux un autre désir appelé d’extimité. Désir qui nous incite à montrer certains aspects de notre moi intime pour les faire valider par d’autres afin qu’ils prennent une valeur plus grande à nos yeux. » Jouant habilement des projections sur écran en fond de scène, la mise en scène soignée et nourrie d’énumérations conjugue avec ironie forme aboutie et réflexion sur nos carences recyclées en surexposition. Le Jaime facebookien ne pèse pas lourd… Décapant, troublant et percutant !

Agnès Santi