Girls and boys, d’après Dennis Kelly, mise en scène Chloé Dabert
La metteuse en scène Chloé Dabert et la [...]
Pauline Haudepin revisite le motif du baiser au lépreux dans une pièce révélatrice des atermoiements existentiels de nos contemporains, mais qui peine à aboutir sa réalisation scénique.
Le pape François le reconnaissait lui-même dans un discours prononcé à Rio de Janeiro en 2013, « embrasser n’est pas suffisant », il faut aussi tendre la main à celui qui est à terre pour l’aider à se relever. Chimène, l’héroïne autour de laquelle tourne le drame imaginé par Pauline Haudepin, partage la gourme de l’inconnu avec lequel elle a couché dans la rue et qui l’a contaminée. Mais sa démarche est davantage oblative que solidaire, destructrice que réparatrice. En attrapant volontairement le mal qui ronge son amant scandaleux, elle met à mal l’équilibre fragile qui assurait jusqu’alors son bonheur. La quiétude bourgeoise de ses parents et la colère stérile de sa maîtresse sont renvoyées à leur inanité foncière et à leurs ridicules pitoyables : la mort programmée de Chimène, que la maladie doit emporter bientôt, révèle l’hypocrisie sur laquelle reposait la pseudo félicité de ces êtres enkystés dans des rôles sociaux étriqués. Jean-Louis Coulloc’h et Sabine Haudepin campent avec beaucoup de justesse les parents de Chimène, tout en maladresse et en égoïsme pataud. Dea Liane, en professeur de philosophie à la dérive qui confond éveil critique et engueulade de l’apprenant, accorde également une belle énergie à son rôle de maîtresse tyrannique.
De mal en pis…
La pièce passe progressivement du drame bourgeois à la performance onirique, notamment grâce au danseur Jean-Gabriel Manolis, qui incarne Theraphosa Blondi, énorme mygale chevelue qui prend possession de la scène comme le mal menaçant (épidémie, mauvaise conscience, culpabilité) colonise la psychologie des personnages. A cet égard, si le texte de Pauline Haudepin vaut comme indicateur de l’état mental de notre époque, il sonne comme une alarme. Ce baiser au lépreux n’est pas aussi lumineux que celui qu’accorde Violaine à Pierre de Craon chez Claudel. On ne bâtit pas de cathédrale dans notre époque tourmentée. Ce qui est pardon dans L’Annonce faite à Marie est force suicidaire de destruction dans cette pièce. Reconnaissons que ceux qui auscultent la modernité gagneraient à découvrir ce qu’une jeune artiste imagine sur la capacité radicale de sa génération. Reste que le spectacle a un peu tendance à s’enliser, entre réitération des plaintes sur dictaphone de Chimène (convaincante Claire Toubin), changements de costumes de l’homme-araignée et incompréhensions répétées de ces personnages éperdus qui ne savent pas comment s’aimer. Les poncifs de la déréliction contemporaine et les modalités mortifères de la jouissance mériteraient peut-être un peu moins de complaisance.
Catherine Robert
Lundi et vendredi à 20h30 ; mardi, jeudi et samedi à 19h. Tél. : 01 43 74 99 61. Durée : 2h15. Spectacle vu au TNS.
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