Festival Théâtre et Politique 2018
Depuis huit ans, la Scène nationale de [...]
« Rendez-vous découvreur d’artistes européens », le festival Chantiers d’Europe associe cette année le Théâtre de la Ville, son organisateur historique, et l’Institut culturel italien de Paris pour deux semaines d’excellence et de talent.
La construction européenne est un long chantier, qui rappelle parfois la fastidieuse tâche de Pénélope, la nuit défaisant l’ouvrage du jour. Aux temps de l’espoir amical retrouvé, après les déchirements de la Seconde Guerre mondiale, aux rêves fondateurs des humanistes qui appelaient Lumières, en France, ce que l’Allemagne nommait Aufklärung, ont succédé le Brexit, la montée des populismes et la réinvention des frontières qui transforment l’Europe en une forteresse cadenassée, à l’intérieur de laquelle ses habitants se suspectent et se déchirent. La faute à l’économie, dit-on, la faute aussi – et peut-être surtout – au refus forcené d’apprendre de l’autre ce qui le spécifie et nous en rapproche. Le projet d’Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville et instigateur des Chantiers d’Europe, tente de répondre à ces deux défauts : « mettre en œuvre une Europe des artistes, alternative aux sempiternelles approches économiques ». Cette année encore, le festival réunit donc des artistes qui « réaffirment tout ce que nous avons en partage ». Car il n’y a, à qui sait prendre un peu de hauteur, pas plus de province de l’art qu’il n’y a de clocher de l’esprit.
Le meilleur de la création contre le pire de la réalité
« Le passé est incertain et l’avenir reste à pourvoir. Dans cet entre-deux, faisons table d’hôte du présent », dit Emmanuel Demarcy-Mota, qui invite Pedro Penim et le Teatro Praga de Lisbonne pour entendre leur diagnostic sur la grandeur déchue européenne, ainsi que la Grecque Lea Kitsopoulou, qui met en lambeaux le mythe d’Antigone. Autre question cruciale : celle que posent les migrants aux exigences de l’hospitalité. Les Catalans d’Agrupación Señor Serrano et l’Exil Ensemble y répondent chacun à leur manière. La compagnie Hotel Europa questionne le passé colonial du Portugal et la compagnie La Tristura revient sur les pages les plus sombres du franquisme. Edurne Rubio ausculte le refuge secret d’une grotte, abri possible pendant que la danse dessine d’autres territoires à habiter (avec Annamaria Ajmone, Tânia Carvalho, Roberto Castello ou Marco D’Agostin). Quant au collectif (La) Horde, « il ignore joyeusement les frontières avec le sésame énergique du jumpstyle ». Au croisement du réel et de la fiction, entre cauchemars et rêves, les artistes offrent quelques fragments et ferments d’humanisme à ceux qui croient encore que parier sur le pire est l’excuse du renoncement à construire le meilleur.
Catherine Robert
Chantiers d’Europe – Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Allemagne. Théâtre de la Ville aux Théâtre des Abbesses et à l’Espace Cardin. Tél. : 01 42 74 22 77. Institut culturel italien de Paris, 50 Rue de Varenne, 75007 Paris. Tél. : 01 44 39 49 39. Site : www.theatredelaville-paris.com
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