Théâtre et Politique
Comme chaque printemps, la Scène nationale de [...]
L’année 2016 a vu s’accélérer le délitement de l’Union Européenne. Pour sa 8ème édition, le festival Chantiers d’Europe met en avant le phénomène à travers des gestes artistiques forts, preuves que d’autres relations entre les pays sont possibles.
Les 60 ans de l’Europe le 25 mars dernier auraient dû être l’occasion d’une belle célébration de la paix et de la démocratie. Au lieu de cela, le Royaume-Uni vient de rompre avec l’Union, et la France est loin d’être la seule à connaître une montée du nationalisme. Ce n’est donc pas une fête de l’Europe telle qu’elle est que propose la nouvelle édition du festival Chantiers d’Europe. Mais plutôt une réflexion à plusieurs voix sur ce qu’elle aurait pu être, et pourrait peut-être encore devenir. Comme chaque année depuis sa création en 2010 par Emmanuel Demarcy-Mota, le Théâtre de la Ville et ses lieux partenaires invitent pour cela des artistes peu présents sur nos plateaux. Venus du Portugal, de Grèce et de Croatie, mais aussi de Grande-Bretagne et des Pays-Bas, ils témoignent d’une crise profonde à travers des esthétiques variées. Souvent très documentaires, et ouvertement politiques. Installé dans les jardins de l’Espace Cardin pendant toute la durée du festival, le dôme de toile du Good Chance Theatre matérialise une des préoccupations centrales des compagnies programmées : le drame des migrants.
Rendez-vous des solidarités
Conçue par les artistes britanniques Joe Murphy et Joe Robertson, la scène éphémère qui dut quitter Calais avec ses occupants est le symbole d’un théâtre solidaire. Porteur des valeurs abandonnées par l’Union Européenne. Inspirée d’un naufrage au large de Farmakosini, la dernière création du Grec Anestis Azas témoigne d’une inquiétude similaire, partagée aussi par le chorégraphe Eirini Papanikolaou et l’auteure basque Marjolin Van Heestra. Comme y invite l’exposition « Révolution et démocratie : le réveil des Œillets », plusieurs autres artistes explorent leur présent à la lumière d’un passé proche. Au gré d’un récit familial, l’espagnol Pablo Fidalgo Lareo se plonge en effet dans l’histoire de la Guerre civile espagnole, tandis que le catalan Alex Rigola fait résonner les mots de Pasolini dans un conteneur à œuvres d’art et que la croate Vlatka Horvat donne la parole à six femmes dont le pays de naissance – la Yougoslavie – n’existe plus. Le reste est à l’avenant : entre amertume et utopie, mais toujours généreux et exigeant.
Anaïs Heluin
Chantiers d'Europe, du 2 au 24 mai 2017. Théâtre de la Ville-Espace Cardin, 1 avenue Gabriel, 75008 Paris, France. Également au Théâtre des Abbesses, à la Fondation Cartier et à la Fondation Ricard. Tel : 01 48 87 54 42. www.theatredelaville-paris.com.
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