La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Documentaire-critique

« Cesária Evora, la diva aux pieds nus », un portrait subtil d’Ana Sofia Fonseca

« Cesária Evora, la diva aux pieds nus », un portrait subtil d’Ana Sofia Fonseca - Critique sortie Jazz / Musiques
La vie de Cesária Evora, une extraordinaire épopée que salue le film d’Ana Sofia Fonseca. © Pierre-René Worms

Sortie de film

Publié le 16 novembre 2023 - N° 316

Même ceux qui pensaient tout savoir sur la vie de Cesária Evora feront bien d’aller voir le documentaire que lui consacre Ana Sofia Fonseca, qui parvient à dresser un subtil portrait de celle qui incarna l’âme du Cap-Vert.

Elle fut celle qui réussit à la simple « force » de sa voix à s’imposer dans le monde de la musique et à poser le Cap-Vert sur la cartographie des musiques du monde. Et pourtant ce n’était pas gagné quand on sait qu’elle est née en 1941, à Mindelo, dans une famille pauvre, perdant son père musicien dès ses sept ans. Sa mère va alors la confier à un orphelinat, où la future grande dame devra composer avec des sœurs qu’elle ne porte guère dans son cœur, mais où elle apprend le chant en chœur. C’est le début d’une révélation, une qualité de voix naturelle, et d’une longue ascension vers les sommets. Ce parcours hors du commun qui consacrera la diva aux pieds nus constitue la trame de ce long métrage, le second réalisé par Ana Sofia Fonseca qui, pour être née au Portugal, n’en oublie pas ses racines cap-verdiennes, notamment du côté de Sao Vicente, l’île de l’archipel d’où est originaire Cesária Evora. De la découverte en France dès 1991 aux grandes tournées américaines, une dizaine d’années plus tard, on revit ainsi toutes les étapes qui ont jalonné la carrière de la chanteuse, qui va sur le tard collectionner les disques certifiés et les récompenses. Les témoignages de proches, à commencer par le producteur José da Silva, celui qui alors qu’il n’était que cheminot va miser sur elle dès les années 1980, mais aussi sa petite-fille, Janette, qui rappelle entre les lignes la portée des maux décrits par celle qui lui consacra une chanson, Esperança Irisada. Tous rassemblent leurs souvenirs, sans qu’ils apparaissent à l’écran (ou alors au moment des faits et non de l’interview).

Portrait intime d’un destin exceptionnel

Ce choix de ne garder que leurs voix en un dispositif polyphonique permet de rester dans le sillon de la voie au cœur du sujet : Cesária Evora. Cette intimité constitue sans conteste la force de cette biographie filmique, la projetant au-delà du simple aspect documentaire. La réalisatrice a eu accès à quantité d’images inédites, dont des archives photo comme vidéo qui lui ont été confiées par des proches, de celle que tout un peuple surnommait Cize. Cette somme aurait pu alourdir le propos, mais elle a l’intelligence d’en extraire l’essence pour nous plonger dans le quotidien de la chanteuse, qu’elle soit dans sa grande maison qu’elle fit construire à Mindelo et qui était ouverte à tous ou lors de tournées à travers le monde, notamment à New York avec le tout jeune Seu Jorge, qui fait d’ailleurs l’éloge posthume de cette personnalité hors norme. Au final, ce portrait sans fard – montrant les difficultés psychologiques comme sa dépendance à l’alcool pour monter en scène – et nourri de multiples éclairages dessine un destin exceptionnel, qui s’est arrêté le 17 décembre 2011.

Jacques Denis

A propos de l'événement

Cesária Evora, la diva aux pieds nus


En salles le 29 novembre.

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