La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

« Ce qu’il faut dire » de Léonora Miano mis en scène par Catherine Vrignaud Cohen trace un chemin de questionnements

« Ce qu’il faut dire » de Léonora Miano mis en scène par Catherine Vrignaud Cohen trace un chemin de questionnements - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre La Reine Blanche – Scène des Arts et des Sciences

Théâtre La Reine Blanche

Publié le 29 février 2024 - N° 319

Au Théâtre La Reine Blanche, à Paris, dans une mise en scène de Catherine Vrignaud Cohen, la comédienne Karine Pedurand et la musicienne Triinu Tammsalu interprètent Ce qu’il faut dire de l’écrivaine d’origine camerounaise Léonora Miano. Ce texte en trois parties, d’une force singulière, trace un chemin de questionnement complexe à partir de réflexions sur l’identité et l’histoire coloniale.

Publiées par L’Arche Éditeur, en 2019, au sein d’un même ouvrage, les trois parties de Ce qu’il faut dire (La question blanche, Le fond des choses, La fin des fins) étaient, à l’origine, des chants dont Léonora Miano s’emparait elle-même, avec d’autres de ses œuvres, lors de récitals poétiques conçus avec le batteur Francis Lassus. Pour créer le spectacle qu’elle présente au Théâtre La Reine Blanche, la metteuse en scène Catherine Vrignaud Cohen a elle aussi choisi un duo d’interprètes : la comédienne Karine Pedurand et la musicienne Triinu Tammsalu. Les deux artistes transposent à leur façon, en proximité et en complicité, la pensée en mouvement de l’écrivaine. Une pensée vigoureuse et profonde qui ouvre sur des suites de raisonnements, de déchirements, de révoltes, d’interrogations liées à l’essentialisation des personnes noires. Liées aux rapports à l’autre et à soi-même que ces assignations déterminent. Liées au poids de l’histoire coloniale dans l’existence des Afropéens et Afropéennes. Liées à la possibilité de construire un monde détaché des clivages et des fatalismes binaires.

Quand les héros des uns sont les bourreaux des autres

Pour prendre toute son ampleur, toute son intensité, cette écriture pointilleuse nécessite beaucoup de netteté, ainsi qu’une forme de distance, de détachement. Or, le projet théâtral porté par Catherine Vrignaud Cohen colle de façon un peu trop manichéenne aux attendus des sujets mis en perspective par Léonora Miano. Il investit Ce qu’il faut dire à travers une grande sincérité, mais sans faire le pas de côté qui permettrait d’envisager toutes les dimensions du « théâtre de l’être » auquel nous convient ces trois textes. On est malgré tout traversé par des surgissements de sens. Comme on est saisi par d’amples argumentations qui, en déconstruisant des systèmes de valeur artificieux, nous éclairent, nous déplacent, ouvrent de nouveaux horizons à nos esprits. Et c’est bien là l’essentiel. Car si on sort de la représentation interprétée par Karine Pedurand et Triinu Tammsalu avec une impression de non-accompli, on est malgré tout emporté par la conviction d’avoir entendu une voix de première importance. Une voix poétique et politique qui, regardant vers demain, trace une route de lucidité et de fraternité, pour que cesse l’ensauvagement du monde.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Ce qu’il faut dire
du mercredi 21 février 2024 au dimanche 10 mars 2024
Théâtre La Reine Blanche – Scène des Arts et des Sciences
2 bis passage Ruelle, 75018 Paris

Les mercredis et vendredis à 21h, les dimanches à 18h. Tél. : 01 40 05 06 96. Durée : 1h15.

Également les 14 et 15 mars 2024, à La Scène Europe à Saint-Quentin.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre