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Danse - Critique

« Canine Jaunâtre 3 » de Marlene Monteiro Freitas recréée pour le Ballet de l’Opéra de Lyon

« Canine Jaunâtre 3 » de Marlene Monteiro Freitas recréée pour le Ballet de l’Opéra de Lyon - Critique sortie Danse Lyon Maison de la Danse
Crédit : Ascaf Canine Jaunâtre 3 de Marlene Monteiro Freitas par la Batsheva Dance Company

Maison de la Danse de Lyon / Chor. Marlene Monteiro Freitas / Ballet de l’Opéra de Lyon

Publié le 27 février 2024 - N° 319

Éblouissante, enthousiasmante, telle est la re-création de Marlene Monteiro Freitas pour le Ballet de l’Opéra de Lyon qui, aujourd’hui, résonne curieusement avec l’actualité mondiale.

Canine Jaunâtre 3 est à l’origine une commande d’Ohad Naharin à Marlene Monteiro Freitas pour la Batsheva Dance Company. L’intuition était plus que bonne ! La preuve : ce spectacle est repris aujourd’hui par les danseurs du Ballet de l’Opéra Lyon. Canine Jaunâtre 3, c’est son titre, ressemble à un match, avec deux équipes, deux périodes de 45 minutes et une mi-temps. Dix-sept « joueurs », habillés de noir, avec repose-nuque vert (comme dans l’avion !) et chaussettes blanches, sans oublier de magnifiques gants de caoutchouc indigo forment cette équipe performante d’un nouveau jeu énigmatique. Tout commence par un rituel plutôt répétitif et loufoque, où, titre oblige, le chiffre 3 domine – qu’il s’agisse de l’agencement chorégraphique ou du numéro inscrit sur le dos du maillot de chaque danseur. Comme toujours, Freitas chorégraphie tout autant les corps que les visages, cernés par une courbe blanche sur le menton, les bouches cirées de rouge. Canine Jaunâtre 3 est d’abord une performance virtuose de chaque interprète, sur une chorégraphie millimétrée, qui nous démontre a contrario que la danse n’est pas un sport mais un art raffiné.

La vie est un jeu

Se déployant en unissons plus que baroques, cris, râles, et borborygmes ponctués par des coups de sifflets sont au rendez-vous de ce match surréaliste, où les visages se déforment et se défont, comme autant de masques, dans un mélange inédit d’ordre précautionneux et de délire burlesque, où l’on met en comptes quantifiables la grimace et le grincement de dent, la roulade oculaire et la glissade. Mais surtout, avec Monteiro Freitas, les désirs sont désordres et le chaos organisé. Les musiques sont à l’avenant, dans une bande-son déjantée qui réunit The Weeping song de Nick Cave et l’Adagietto de Mahler en passant par Amy Winehouse, Le Lac des cygnes et Rihanna sans oublier Steve Reich et Villa-Lobos ! Jubilatoire. Bien sûr, on avait repéré depuis le début qu’il y était question de pouvoir, de corps mécanisés, et d’un abrutissement d’époque où Les Temps modernes sont passés à la moulinette de la téléréalité et où l’intelligence n’est plus qu’artificielle. On devine aussi la violence des corps mitraillettes incarnés dans la jambe tendue des danseurs transformés en vilains « cygnes » (avec citations chorégraphiques et musicales à l’appui) que l’on interprétera comme on voudra. Ici, Marlène Monteiro Freitas tout en re/dé-montant la danse, nous parle de notre monde, où les dictatures sont devenues « soft », les visages abêtis et les corps réifiés sinon augmentés. En attendant c’est Carnaval, juste avant la danse macabre, celle où la vie joue avec la mort.

Agnès Izrine

A propos de l'événement

Canine Jaunâtre 3
du mardi 5 mars 2024 au vendredi 8 mars 2024
Maison de la Danse
8 Avenue Jean Mermoz, 69008 Lyon

Mar.5, jeu. 7, ven. 8 à 20h30, mer. 6 à 19h30. Durée : 1h30.

Tél. :  04 72 78 18 00. Spectacle vu le 30 juin 2018, au Festival Montpellier Danse.

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