« Carnaval baroque » de Vincent Dumestre et la metteuse en scène Cécile Roussat
Une célébration joyeuse – et historiquement [...]
Le nouveau Ring wagnérien de l’Opéra de Paris s’ouvre avec un Or du Rhin à l’heure du big data. Comme la mise en scène de Calixto Bieito, le luxe orchestral, à la précision chambriste, de la direction de Pablo Heras-Casado manque de vitalité théâtrale.
Avec une création initialement prévue à partir de l’automne 2020, la nouvelle production du Ring de Wagner par Calixto Bieito a beau être du réchauffé, elle n’en garde pas moins une acuité contemporaine, à peine dystopique. La légende nordique est transposée dans l’actualité de nos sociétés ultra-connectées. Alberich se trouve encombré de câbles pour pêcher les charmes des Filles du Rhin, avant de transformer le Nibelung en usine à humanoïdes. Ces mêmes cordages technologiques grimpent comme des branchages le long de l’escalier menant au château du Walhalla. La scénographie minimale de Rebecca Ringst se résume à une immense forteresse métallique, celle des dieux, meublée de quelques projections vidéo de Sarah Derendinger, à l’exemple des dorures mouvantes du fleuve primitif. Dessinés par Ingo Krügler, les costumes campent des caricatures capitalistiques – cadre supérieur et cow-boy pour les Géants, Loge en veste et lunettes noirs de mafieu. Chacun des caractères trouve ainsi équivalence avec les turpides du néolibéralisme du XXIème siècle, sans parvenir à une véritable dynamique théâtrale, avec une direction d’acteurs aussi placide que les lumières blafardes de Michael Bauer.
Beauté orchestrale hi-fi
Cette inertie se retrouve dans la fosse. Pourtant, rarement l’Orchestre de l’Opéra de Paris a révélé un tel luxe de couleurs et de nuances. Mettant en valeur chacun des pupitres avec un raffinement chambriste, parfois aux limites de l’acoustique de la Bastille, Pablo Heras-Casado – qui confirme par là sa position de favori pour la direction musicale de l’institution, vacante depuis le départ de Gustavo Dudamel – accompagne et soutient chacun des solistes du plateau. Mais cette beauté sonore hi-fi, faite de souplesse mélodique et de transparence quasi debussyste, émousse toute nervosité dramatique. L’attention est relevée par les incarnations vocales, à l’exemple de la Fricka mordante d’Eve-Marie Hubeaux, le Loge vigoureux de Simon O’Neill, Brian Mulligan en Alberich plus complexe que d’habitude, soumettant le Mime archétypal de Gerhard Siegel, le moelleux de Marie-Nicole Lemieux en Erda, ou encore la complémentarité des Géants, Kwangchul Youn et Mika Kares, et celles des Donner et Froh campés par Florent Mbia et Matthew Cairns. Le Wotan honnête de Iain Paterson est mis à l’épreuve de la durée de ce Prologue chatoyant de deux heures trente sans entracte mais non sans ennui.
Gilles Charlassier
à 19h30, le dimanche 2 février à 14h30. Durée : 2h30 sans entracte. Tél. : 08 92 89 90 90.
www.operadeparis.fr
Une célébration joyeuse – et historiquement [...]