La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Britannicus

Britannicus - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française
Dominique Blanc dans Britannicus. Crédit photo : Brigitte Enguérand

Comédie-Française / de Jean Racine / mes Stéphane Braunschweig

Publié le 24 mai 2016 - N° 244

Britannicus revient à la Comédie-Française sous la houlette de Stéphane Braunschweig, qui transforme la tragédie racinienne en série B où « le cœur et la bouche sont peu d’intelligence »

On se croirait dans une série B, avec, au centre, une star (Dominique Blanc), et les habituels satellites du Français tout autour, ou dans un soap opera, où sexe et arrivisme sont les maîtres mots. Les costumes sont contemporains, pour ne pas oublier que les chefs-d’œuvre sont intemporels, et le décor, qui évoque une salle de conseil régional, efface le marbre romain. Stéphane Braunschweig gadgétise Britannicus en croyant le moderniser. Le Grand Siècle et ses affèteries langagières, ses diérèses musicales et ses alexandrins formalistes paraissant trop abscons : les comédiens s’en dispensent. Ils appuient leur texte de gestes illustratifs – à l’instar de Dominique Banc campant Agrippine comme un agent de la circulation devant la porte des appartements de Néron – ou le débitent sur l’expiration, comme Laurent Stocker, en empereur exténué par le double fardeau de devoir gouverner et aimer… Le dépoussiérage tourne à l’asepsie. A force d’austérité et de contention des affects, Stéphane Braunschweig transforme Britannicus en mascarade macabre.

Ni frayeur ni pitié

Ce que dit le texte n’est pas joué, et les enjeux psychologiques sont affadis. Britannicus devrait voir naître un monstre, se débattre ses victimes et se battre ses manipulateurs, mais Néron semble un orvet et ses proies fort consentantes… Seule Georgia Scalliet parvient à offrir profondeur, intensité et émotion à la poignante Junie, mais elle est perdue au milieu des pantins roides et frigides qui l’entourent. Le talent de cette troupe est avéré. Il n’est pas à défendre. Force est d’admettre que la direction d’acteurs est la cause de l’asthénie d’une mise en scène, qui, à force de tirer Racine du côté de la passion du pouvoir, oublie qu’il est aussi le dramaturge du pouvoir de la passion. Lorsque Junie fait le portrait de la cour impériale, elle remarque « combien tout ce qu’on dit est loin de ce qu’on pense », et déplore : « Que le cœur et la bouche sont peu d’intelligence ! » Telle est l’impression générale d’un spectacle désincarné, sans humeurs et sans âme. « Nous chercherons à nous tenir dans un juste milieu » disait Louis-Philippe, intronisant l’idéal de la médiocrité bourgeoise en matière de gouvernement : chaque époque a le théâtre qu’elle mérite, mais le juste milieu n’a rien à voir avec l’équilibre glorieux du Grand Siècle…

Catherine Robert

A propos de l'événement

Britannicus
du samedi 7 mai 2016 au dimanche 3 juillet 2016
Comédie-Française
2 Rue de Richelieu, 75001 Paris-1ER-Arrondissement, France

Matinées à 14h, soirées à 20h30. Tél.: 08 25 10 16 80. Calendrier sur www.comedie-francaise.fr Durée : 2h.

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