Grenade, les 20 ans
Un florilège de pièces de grands chorégraphes [...]
La dernière création d’Alain Buffard oscille entre la légèreté d’une comédie musicale et la noirceur d’un monde où la mort, le sexe et l’oppression contraignent les corps, au-delà des paillettes et hauts-de-forme de leurs costumes.
La scène s’ouvre sur un plateau immaculé, un tapis en pente douce qui rappelle l’image d’une page blanche offerte à l’écriture. C’est une chanson qui vient habiter l’espace et plonger le spectateur dans un univers peuplé de musiques et d’êtres étranges, hommes et femmes venus de loin. Baron Samedi est un spectacle qui joue sur deux registres à la fois : il convoque tout d’abord des figures et des formes participant d’un imaginaire partagé – les chansons populaires de Kurt Weill, le personnage du Baron Samedi issu des cultes vaudous et dont on retrouve l’image au cinéma, dans la bande dessinée ou dans les jeux vidéo… -, mais balaye nos attendus pour nous perdre dans cette étrange communauté. Les six personnages, qu’Alain Buffard a choisis pour ce qu’ils portent de leurs origines et de leurs parcours, traversent le spectacle d’abord comme des ombres, puis, tissant des relations, comme porteurs des instincts du monde les plus vils.
Communautés des bas-fonds
Même ponctuée de chansons enlevées, la pièce reste grave par les situations qu’elle met en scène. Entre l’inspiration vaudou et les rengaines des années 30, il y a ces mauvais garçons et ces filles légères, il y a ces communautés des bas-fonds, il y a la mort et le sexe, la violence d’un siècle qui n’en a pas fini avec l’esclavage et la colonisation. Scènes chocs et images fortes ne suffisent pourtant pas à porter l’épaisseur qu’on aimerait reconnaître dans le spectacle. Dans des espaces de flottement, on a tendance à se raccrocher aux textes des chansons traduites en surtitrage, ou à chercher des moments d’émotion comme dans la magnifique Ballad of the Soldier’s Wife. Pourtant tout est là, sous nos yeux.
Nathalie Yokel
Un florilège de pièces de grands chorégraphes [...]