La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Cirque - Critique

Balestra de Marie Molliens : un spectacle qui privilégie le groupe au détriment de l’individu.

Balestra de Marie Molliens : un spectacle qui privilégie le groupe au détriment de l’individu. - Critique sortie Théâtre Paris Espace Chapiteaux de La Villette
© Christophe Raynaud de Lage Les élèves de la 34ème promotion du CNAC dans Balestra, mis en scène par Marie Molliens

La Villette – Espace chapiteaux / Écriture et mise en scène de Marie Molliens

Publié le 18 décembre 2022 - N° 306

Directrice de la compagnie Rasposo, Marie Molliens met en piste la 34ème promotion du Centre National des Arts du Cirque (CNAC) dans Balestra. Fait de belles et sombres images dont la succession peine à produire du sens, ce spectacle privilégie le groupe au détriment de l’individu, dont les singularités sont peu visibles.

L’évolution de la compagnie Rasposo, fondée en 1987 par Fanny et Joseph Molliens, reflète les changements du nouveau cirque, dont le développement en France est en grande partie lié à la création du CNAC à Châlons-en-Champagne en 1985. C’est l’une des raisons pour lesquelles Peggy Donck, la nouvelle directrice de l’école supérieure de cirque, a décidé de confier à Marie Molliens la mise en scène de la création de fin d’études de la 34ème promotion. Fille des deux fondateurs de Rasposo, dont elle intègre toute jeune les spectacles en tant qu’acrobate et fildefériste, avant de poursuivre sa formation à l’Académie Fratellini puis de prendre en 2012 la direction de la compagnie parentale, cette artiste porte une part de l’histoire de sa discipline tout en participant à ses transformations actuelles. Comme dans ses créations personnelles, où elle revisite souvent des figures et des archétypes du cirque traditionnel, Marie Molliens crée dans Balestra un univers menacé par le chaos. Désignant une figure d’escrime, une attaque ayant pour but de provoquer un changement de rythme chez l’adversaire, le titre du spectacle nous place dans l’attente d’une lutte des 14 jeunes interprètes contre les ténèbres qui les enveloppent dès le début du spectacle. Sans autre lien entre eux que les circassiens qui les font vivre, les trois tableaux de la pièce sont hélas trop distincts les uns des autres pour donner à sentir, et encore plus à penser une quelconque transformation.
La disparition des Pierrots
Balestra s’ouvre sur un étrange ballet de Pierrots. Comme au bord du naufrage, ou tout juste rescapés d’une catastrophe, les clowns tristes qu’incarnent tous les artistes de la pièce rendent ceux-ci indistinguables les uns des autres. Sauf quand l’un sort du lot torpide pour entreprendre quelque action plus ou moins spectaculaire : une escalade de corde lisse ou de mât chinois, un tour de roue Cyr… Mais, à peine nées, ces acrobaties rejoignent les gestes désarticulés de tous les autres Pierrots. Lorsque ces derniers commencent à se libérer de leurs costumes, on s’attend à ce qu’apparaissent davantage les personnalités des 14 artistes. Car si l’on attend du metteur en piste d’un spectacle du CNAC de faire entrer de jeunes interprètes dans son univers, il a aussi pour fonction de donner à voir les talents, les spécialités de chacun. Mais le tableau qui succède à la disparition des figures empruntées à la commedia dell’arte est tout aussi collectif que le premier : en tenue d’escrime, les interprètes se livrent à une nouvelle chorégraphie aux allures de rituel. Là encore, les artistes expriment fort peu leur pratique de onze agrès différents. Leurs origines très diverses – ils viennent de 6 pays différents – sont elles aussi masquées par des costumes et des attitudes très homogènes. Sans guère plus de lien avec ce deuxième tableau que celui-ci n’en avait avec la scène des Pierrots, une danse pseudo-champêtre vient clore Balestra sans que nous ayons pu saisir le changement, l’arrivée du Printemps promise par Marie Molliens. Si la scène finale est plus lumineuse que les deux précédentes, son esthétique très picturale sacrifie tout autant le sens que la singularité de chacun.
 
Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Balestra
du mercredi 25 janvier 2023 au dimanche 19 février 2023
Espace Chapiteaux de La Villette
211 Avenue Jean Jaurès, 75019 Paris

du mercredi au vendredi à 20h, le samedi à 19h, le dimanche à 16h. Tel : 01 40 03 75 75. www.lavillette.com. Également du 7 au 9 avril au Cirque-Théâtre d’Elbeuf (76), du 21 au 23 avril au Manège à Reims (51), du 12 au 14 mai à Cirk’Eole, à Montigny-lès-Metz (57), les 10 et 11 juin au Festival utoPistes à Lyon (69), du 30 juin au 2 juillet à Moroges (71).

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