La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Allant droit // allant vers, entretien avec Christian Benedetti, directeur du Studio-Théâtre d’Alfortville

Allant droit // allant vers, entretien avec Christian Benedetti, directeur du Studio-Théâtre d’Alfortville - Critique sortie Théâtre Alfortville Théâtre-Studio d’Alfortville
Christian Benedetti  © Alex Mesnil

Théâtre-Studio d'Alfortville / carrefour

Publié le 17 décembre 2022 - N° 306

Le Théâtre-Studio d’Alfortville consacre le mois de janvier au thème de l’hospitalité. Trois compagnies, trois pièces et trois rencontres au carrefour de l’esthétique, l’éthique, la politique et la pensée.

Pourquoi ce carrefour ?
Christian Benedetti 
: C’est à la fois un moment de confrontation des formes et un temps de réflexion à propos de ces formes, des thèmes qu’elles traitent et de la manière de répondre aux problèmes qu’elles posent. « La réalité a perdu sa voix. » dit Edward Bond. Le monde va aujourd’hui plus vite que la représentation que l’on peut en donner. On doit pouvoir retrouver le temps et les conditions pour que surgisse le sens. Par ailleurs, les événements croisent aussi des thèmes qui sont des sujets constants pour les créateurs, et parmi ceux-là, celui de l’hospitalité, qui est une des questions fondamentales du théâtre. L’hôte est celui qui reçoit et celui qui est reçu, et aussi, étymologiquement, celui qui est mangé, offert (du latin hostia). Recevoir l’autre, accepter d’être modifié par lui, valider la créolisation, se reconnaître dans l’autre, s’apprendre, se connaître à nouveau grâce à lui : comment répondre à cet enjeu de l’humanité ? « Qui n’a pas d’ami sera banni », disait Saint-Just !

« On doit pouvoir retrouver le temps et les conditions pour que surgisse le sens. »

Comment cette question de l’hospitalité irrigue-t-elle la programmation ?
C. B.
 : Cette question est d’abord posée par l’actualité, qui fait que le cynisme politique nous autorise à discuter des conditions de l’accueil de l’autre. On ose débattre du soin qu’on doit à des humains pendant que des enfants se noient. Mais la question de l’accueil est aussi posée aux artistes. Le Dernier Voyage de Lucie Nicolas était programmé à Champigny. Le maire a déprogrammé le spectacle, le jugeant trop politique. Nous avons donc décidé de l’accueillir pour cinq représentations au Théâtre-Studio, en remplacement des deux prévues à Champigny. C’est alors que j’ai été contacté par Hélène Soulié, qui a travaillé avec Claudine Galea pour un spectacle à partir des paroles de ceux qui vont chercher les migrants en mer. Je me suis dit : confrontons les paroles des survivants et de ceux qui les recueillent dans un événement-carrefour. Appelons-le Allant droit // Allant vers : aller vers un objectif et vers l’autre, mais aussi aller droit moralement. Tous les samedis, s’ajoutent aux spectacles des rencontres avec des politiques, des philosophes, des migrants, des sauveteurs, pour qu’en sortent des propositions qui enrichiront le débat politique.

Quid du troisième spectacle ?
C. B.
 : Estonia 94 est le spectacle d’une toute jeune compagnie qui raconte une autre histoire maritime, celle d’un ferry qui naviguait entre l’Estonie et la Suède, faisait office de bar flottant où l’alcool coulait à flots et à bas prix, et qui a fait naufrage, sans doute à cause d’une collision avec un sous-marin russe. Ce thriller politico-maritime évoque les mensonges d’État et les cachoteries diplomatiques, qui sont aussi présents quand il est question des migrants dont on tait le massacre en mer. J’ai voulu que ces trois équipes se croisent. La mise en scène s’apprend, et ce genre de rencontre permet aux jeunes équipes de se structurer intellectuellement et dramaturgiquement. Là encore, la rencontre et le dialogue font grandir. Voilà ce à quoi nous aspirons.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Allant droit // allant vers
Théâtre-Studio d’Alfortville
16, rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville

Le Dernier Voyage (Aquarius), projet du collectif F71, texte et mise en scène de Lucie Nicolas. Du 10 au 14 janvier 2023 à 20h30. [Ça ne passe pas], texte de Claudine Galea, mise en scène d’Hélène Soulié. Du 18 au 21 janvier 2023 à 20h30. Estonia 94, texte de Mélie Néel, conception et mise en scène de Noémie Schreiber. Du 26 au 28 janvier 2023 à 20h30. Rencontres : 14 janvier à 17h : Raconter la migration : pourquoi, comment, quels récits pour quels enjeux ? 21 janvier à 18h : Histoires des migrantes – Quelle est la spécificité de la migration au féminin ? 28 janvier à 17h30 : Théâtre documentaire : Comment et pourquoi représenter l’irreprésentable sur scène ? Tél. : 01 43 76 86 56.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre