La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Aziz Chouaki

Aziz Chouaki - Critique sortie Théâtre
Photo : Basso Cannarsa

Publié le 10 janvier 2009

Reconsidération d’un passé officiel

Aziz Chouaki est l’auteur des Coloniaux, pièce commandée pour le 90ème anniversaire de la Bataille de Verdun et portée à la scène par Jean-Louis Martinelli, créateur d’Une Virée déjà. Avec Les Coloniaux, les conventions du passé sont ébranlées, histoire de réactiver en souriant une vraie mémoire qui parle de la France.

« Un compagnonnage singulier entre un personnage lunaire, Mohand-Akli, et un figuier magique. »
 
Quelle histoire votre langue truculente a-t-elle mis au jour ?
Aziz Chouaki : La fable prend appui sur un compagnonnage singulier entre un personnage lunaire, Mohand-Akli, et un figuier magique. Ce figuier est érudit, il porte, à la manière antique, le savoir de l’humanité, la mémoire de la littérature et des grands livres. Il est aussi plutôt high-tech, clé USB et autres avatars numériques. La fable naît le jour où, faisant la sieste, Mohand voit surgir des personnalités dont la place est légitime dans l’Histoire de France, Voltaire, Jeanne d’Arc, Jésus…. Ces hommes et femmes apparaissent en lui demandant de venir les sauver car les Allemands envahissent le territoire. Mohand décide de partir pour libérer le pays. Un début cocasse.

Qu’invoque le futur soldat comme raison à son départ ?
A. C. : Mohand avance deux raisons probables qui vont se neutraliser l’une l’autre avant d’accéder à la version véritable. Ne voulant pas que l’on touche à la France de Rabelais, il part en fanfaron au secours de la nation en mettant à bas l’armée allemande. Le rêveur reçoit aussitôt un SMS du figuier qui lui apprend que le scénario ne s’est pas passé ainsi. Mohand invente une seconde version plus noire : les Français ont débarqué dans son village de Kabylie. Racistes et méchants, ils ont saisi les hommes pour les mener dans des camions. Mais un nouveau SMS du figuier dénonce l’aspect mensonger de ces faits.

Quelle est la troisième version authentique ?
A. C. :  Mohand est sous son figuier, il lit des BD dont Les Pieds Nickelés au combat. Le figuier enjoint aussitôt son compagnon de se rendre au front à la Bataille de Verdun car les Pieds Nickelés sont présents là-bas. Voilà la version officielle de Mohand qui assiste dès lors à l’horreur des combats de guerre. Il parvient à libérer le Front de Douaumont, et le travail accompli, il rentre chez lui en Algérie. Le soldat prend politiquement conscience de la colonisation, il ne s’est jamais posé auparavant la question de la présence française dans son pays. Mais il a fait siens les mots entendus de liberté et de dignité, scandés par la France combattante.

Les Coloniaux est une fantaisie réfléchie, à la manière d’une de vos autres pièces, Les Oranges.
A.C. : C’est un conte à la Dario Fo, un personnage lunaire traverse le temps. En même temps, le héros utilise des mots d’aujourd’hui et voit le futur. L’écriture contemporaine et le comique se conjuguent avec des exigences classiques. L’art n’est pas qu’un délire textuel, il y faut rigueur et savoir.

Propos recueillis par Véronique Hotte


Les Coloniaux
D’Aziz Chouaki, mise en scène de Jean-Louis Martinelli, du 7 janvier au 13 février 2009, du mardi au samedi 20h30, dimanche 15h30, au Théâtre Nanterre-Amandiers 7, avenue Pablo Picasso 920022 – Nanterre Tél : 01 46 14 70 00 – www.nanterre-amandiers.com

Texte publié aux Éditions Mille et une nuits.

A propos de l'événement


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