Avignon / 2022 - Entretien / Olivier Py
Avec Ma Jeunesse exaltée, Olivier Py revient à la forme épique pour sa dernière création comme artiste-directeur du Festival d’Avignon
Gymnase du lycée Aubanel et Opéra Grand Avignon
Publié le 26 juin 2022 - N° 301Pour sa dernière création comme artiste-directeur du Festival d’Avignon, Olivier Py revient à la forme épique. Ma Jeunesse exaltée répond à La Servante qui, en 1995, inaugurait son aventure avignonnaise : un passage de relais entre les générations. Et à la fin du festival, dans la fraternité du crépuscule, l’hospitalière Miss Knife retrouve ses sœurs de musique.
Comment envisagez-vous cette dernière édition avignonnaise ?
Olivier Py : Je n’ai pas voulu un dernier festival récapitulatif ou commémoratif. Je veux faire comme si ce n’était pas le dernier, et continuer à accueillir et à soutenir l’émergence, la nouveauté, le travail des autres, surtout quand ils ne me ressemblent pas. Cette édition s’articule autour de la thématique de la narration, en réunissant des spectacles qui ont tous la volonté de raconter des histoires, même quand ils n’utilisent pas la parole. Peut-on encore raconter des histoires aujourd’hui ? Est-ce qu’on se raconte des histoires quand on raconte des histoires ? Comment les histoires qu’on raconte rencontrent-elles l’Histoire ? Voilà autant de questions qu’explore cette programmation. Et puis, je trouve qu’il est joli de partir en disant « il était une fois »… Pour le reste, ce festival est toujours international ; il accueille autant de créateurs français que de créateurs étrangers ; il est ouvert à de nombreuses formes qui confondent les genres par leur indiscipline ; la place des femmes y est encore plus importante et un focus se concentre autour du Moyen-Orient. Disons, pour faire bref, que ce festival d’Avignon est, d’année en année, toujours le même et toujours un autre…
« Il est joli de partir en disant « il était une fois »… »
Vous créez Ma Jeunesse exaltée, qui signe vos retrouvailles avec la forme épique…
O.P. : Je retourne au gymnase Aubanel, et j’y retrouve ma propre jeunesse exaltée, puisque c’est dans ce lieu que j’ai créé La Servante. Mais je m’adresse aussi à la jeunesse d’aujourd’hui. Je retrouve ce lieu pour un spectacle épique et feuilletonnesque, en l’occurrence, une arlequinade. Cet Arlequin ressemble à ce que j’étais, et il dialogue avec des Pantalon, sorte de vieux cons, ce que je suis sans doute devenu : éternel dialogue entre anciens et nouveaux Arlequin ! Évidemment, il est entouré de ses habituels camarades de la farce, Polichinelle, Colombine, Matamore d’aujourd’hui. Et il dialogue surtout avec le théâtre, dans une sorte de tétralogie épique. Arlequin est le théâtre avant toute chose : il est le jeu, dans tous les sens du terme ; il est l’esprit de vie, qui n’a pas envie de s’ennuyer. C’est la jeunesse éternelle du théâtre que je veux célébrer, cette jeunesse qui se rit de toutes les figures du pouvoir. Cette fresque tragi-comique, cette épopée oscillant entre manifeste, célébration et pèlerinage réunit des comédiens de La Servante et une nouvelle génération d’interprètes, qui réinvestissent le décor en bois vernis, imaginé vingt-sept ans auparavant pour La Servante avec Pierre-André Weitz.
Ce festival marque aussi le retour de Miss Knife…
O.P. : Miss Knife a toujours partagé la scène : le cabaret est hospitalier par essence. Pour le dernier jour de cette 76ème édition, j’invite mes sœurs : Angélique Kidjo, immense artiste internationale, qui a marqué la Cour d’honneur et a chanté avec moi à Paris ou New York, et les Dakh Daughters, nos sœurs ukrainiennes qui incarnent l’espoir et le courage par l’art. Leur spectacle, dont nous assurons la première partie, mélange les mélodies traditionnelles ukrainiennes et leur propre musique traversée de divers horizons, pour un spectacle puissant, dans lequel elles sont accompagnées par le compositeur Pierre Thilloy et l’Orchestre national Avignon-Provence sous la direction de Samuel Jean. Les Dakh Daughters expriment avec puissance et humanité le besoin de liberté des citoyennes d’un monde en mutation où le devoir de révolte fédère actes et pensée et s’oppose à l’amertume de la résignation. Je suis heureux que la fête se fasse et se termine autour de ces valeurs.
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
Ma Jeunesse exaltéedu vendredi 8 juillet 2022 au mardi 26 juillet 2022
Ma jeunesse exaltée. Gymnase du lycée Aubanel, 14 rue Palapharnerie, 84000 Avignon.
Du 8 au 10 et du 12 au 15 juillet à 14h. Durée : 10h.
Miss Knife et ses sœurs. Opéra Grand Avignon, Place de l’Horloge, 84000 Avignon.
Le 26 juillet à 18h. Durée :1h30. Tél. : 04 90 14 14 14.