Richard III
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Avignon / 2015 - Entretien Nick Millett
Nick Millett met en scène deux spectacles originaux et émouvants qui parlent du temps intime : celui de la construction de soi par le souvenir et celui de la transformation de soi par l’expérience artistique.
Vous revenez à Avignon avec Ark Tattoo. Que raconte cette pièce ?
Nick Millett : C’est une pièce en forme de vide-grenier, une installation pas du tout théâtrale à première vue ! En partenariat avec le Théâtre des Carmes, nous avons trouvé un ancien atelier de cordonnerie donnant sur le trottoir, et dans lequel nous avons pu installer la scénographie un peu excessive du spectacle ! Le public entre comme dans un vrai vide-grenier ! Les spectateurs interagissent avec les objets, peuvent même les acheter, parlent avec le brocanteur ; et puis celui-ci les invite à s’asseoir. Assez vite, on comprend que ce qu’il raconte n’est pas tout à fait clair. Par les objets, l’imaginaire, le passé et la mémoire des spectateurs se mélangent avec ceux du brocanteur. J’ai l’habitude de dire que ce spectacle est comme une madeleine proustienne sur une autoroute américaine, écrasée par un camion ! On est dans une sorte de cabinet de curiosités très personnel où se bricole une histoire. Les spectateurs choisissent des objets, à partir desquels la pièce se joue. Le choix étant aléatoire, la narration change de forme tous les jours, et le spectacle crée l’histoire. W. David Hancock est très influencé par l’avant-garde artistique, mais aussi par les philosophes : il a créé une pièce très accessible, ouverte à tous, et dont la forme aphoristique fait travailler notre imaginaire autant que notre réflexion sur la mémoire, la transmission, et le concept de plasticité qui établit que nous inventons nos propres mémoires.
Cercle Miroir Transformation est aussi un spectacle sur le temps.
N. M. : Ces deux pièces intimes parlent du temps. L’intimité sonde la présence, qui est la nature même du théâtre. Ce deuxième spectacle est écrit par Annie Baker, dont on parle, aux Etats-Unis, comme de la nouvelle Tchekhov ! Il s’agit d’une pièce contemporaine qui affecte émotionnellement autant qu’elle fait réfléchir, ce qui est très rare. Son écriture, fine et accessible, a une apparence simple et banale, mais comporte une structure en sous-texte compliquée et brillante. Elle raconte les six semaines d’un atelier de théâtre amateur, en Nouvelle-Angleterre. Comme chez Tchekhov, ses personnages sont des êtres très divers, presque ordinaires, qu’on découvre avec leurs aspirations quotidiennes, leurs luttes intérieures, leurs difficultés de communiquer. Et en six semaines ils se transforment. Cette transformation se passe sans grande épopée, et pourtant, à la fin, ils ne sont plus les mêmes, sans qu’on se soit vraiment aperçu de ce qui s’est passé. Je n’ai jamais rien lu qui rende de manière si touchante ce qui se passe dans ce genre d’atelier, qui expose la difficulté du passage du jeu social au jeu théâtral, comment cela influe sur l’identité des personnes et comment leur avenir s’accélère alors.
Propos recueillis par Catherine Robert
Avignon Off.
(Cercle Miroir Transformation), Du 4 au 26 juillet à 17h30. Tél. : 06 64 91 55 67. Théâtre des Carmes – André Benedetto (Ark Tattoo), 6, place des Carmes. Du 4 au 26 juillet à 14h. Tél. : 04 90 82 20 47.
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