Cédric Gourmelon met en scène Liberté à Brème de Rainer Werner Fassbinder
Avec Valérie Dréville dans le rôle central de [...]
Claudine Galea travaille souvent à partir d’images, publiques ou intimes. Avec au bord, elle tente de donner corps à des événements qui lui glacent le sang. Stanislas Nordey porte à la scène cette parole singulière avec la comédienne Cécile Brune.
« Au bord est né d’une image. De sa persistance dans ma rétine et ma pensée. L’image d’une femme, une soldate américaine tenant en laisse un homme, un prisonnier irakien. Je reste scotchée à cette image. Je suis une femme. Pourrais-je être cette femme ? Les images ne signifient-elles plus rien ? Ni preuve, ni émoi, ni révolte. Il y a soixante ans, les Sonderkommandos ramenèrent de très rares images des chambres à gaz. On ne pourrait jamais plus dire que l’immonde, l’innommable n’avaient pas existé. Ces images disaient la vérité. Ceux qui les avaient prises l’avaient fait au risque de leur vie.
Écrire : aller voir ceux que l’on évite dans la réalité
Là, devant l’image d’Abu Ghraib, je suis en état de stupeur. Que valons-nous si nous acceptons, si nous baissons la tête, fermons les yeux, passons à autre chose ? Nous n’avions pas l’habitude de voir des femmes à cette place-là, et c’est sans doute ce qui me décide, ce qui me hante. Pourquoi pas les femmes ? J’en suis une, je veux non pas comprendre, mais interroger : l’épouvante de l’image et la place de cette femme. L’image creuse en moi des abîmes, mes propres tourments, mes colères, mes asservissements. Rien de ce qui est humain ne m’est étranger et l’abomination fait partie de l’humain. Écrire a cet enjeu pour moi : aller voir, dans les endroits obscurs, ceux que l’on évite dans la réalité et qui sont pourtant là, prêts à surgir. Intime ou extime. On ne peut pas séparer. Il n’y a pas de frontière étanche entre dedans et dehors. Entre privé et public. Je n’écris pas sans peur. La peur tient éveillée. Mais il n’y a rien que j’aie peur d’écrire. Il n’y a rien qu’on ne puisse nommer. Mais pour ça, il faut bien parler, prendre la parole, s’y coller, tenter de donner corps aux événements qui vous glacent le sang ou qui vous brûlent de passion. C’est mon travail, et il est plus ou moins léger, brutal, ludique, heureux, inquiet…»
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h. Tél : 01 44 62 52 52. Texte publié aux éditions espaces 34.
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