Festival des Opéras traditionnels chinois
Sixième édition d’un Festival qui invite à la [...]
Gwenaël Morin et sa troupe s’emparent à mains nues du théâtre de Fassbinder et font résonner sa parole rebelle aujourd’hui.
La troupe débarque en commando, s’aligne droite en scène et croque illico dans le texte à belles dents. Sans chichi, ni parure. L’un annonce les didascalies, les autres enchaînent les saynètes, bricolent un décor avec quelques chaises, gobelets et bouts de plastique. En une heure, ils avalent Anarchie en Bavière, revue d’une révolution avortée que Fassbinder rédigea en 1969, dans la fièvre d’en découdre avec les jets de pierre contestataires qui ne font qu’érafler les murailles des structures sociales et des mentalités dressées à la force des siècles. Suivront Liberté à Brême, Gouttes dans l’océan et Village en flammes, traversées à même allure, c’est-à-dire dans l’urgence du dire et du faire. Le metteur en scène Gwenaël Morin entend bien vivre et partager le théâtre dans son impérieuse nécessité et son exigence absolue, pour éviter que les routines encrassent le jeu ou que l’apprêt esthétique empâte la puissance de feu de la parole. Il revendique même d’expérimenter cette écriture dans la panique pour éprouver la brûlante hâte qui porta le geste créatif de Fassbinder.
Quarante jours de répétition pour quatre pièces
En quelques années en effet, l’auteur et cinéaste allemand traça les lignes d’une œuvre profuse, acérée au fil d’une critique radicale de la société ouest-allemande. Avec l’« Antiteater », troupe expérimentale qu’il fonde en 1968, il écorche le vernis de l’émancipation et dénude les schèmes politiques, psychologiques ou moraux qui continuent de structurer les rapports de classe, les relations humaines ou la place des femmes. Qu’il s’introduise dans l’intimité amoureuse, la cellule familiale ou la communauté d’un village, il met à jour la violence sous-jacente des rapports de force et leur acceptation tacite par les victimes. De la guerre domestique à la brutalité économique ou l’asservissement social, se reproduisent les mêmes comportements de dominants et de dominés. Au passage, on sacrifie souvent les enfants. Fassbinder taille ses histoires à grands traits, pioche ses modèles dans la littérature, découpe ses personnages dans les stéréotypes et les précipitent en situation. Débarrassant le plateau des faux-nez scénographiques, Gwenaël Morin monte les textes à cru. Aguerris aux grandes traversées théâtrales, les comédiens s’emparent avec appétit de la partition, jouent à jouer, effleurent la parodie, confondent parfois énergie et précipitation, désamorcent par le rire, mais toujours tiennent l’enjeu à fleur de nerf. Certes, le “système“ de mise en scène ne s’applique pas avec la même pertinence à toutes les pièces, mais il apporte la distance indispensable pour faire entendre aujourd’hui la pensée séditieuse de Fassbinder.
Gwenola David
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