Festival Perspectives 2015
Théâtre, cirque, danse : le Festival [...]
Le metteur en scène belge Ivo van Hove dirige Juliette Binoche dans une version pondérée, circonspecte, presque économe d’Antigone. Au risque de nous mettre à distance des souffles de la tragédie de Sophocle.
Un vent se lève. Quelques feuilles passent de cour à jardin, par sursauts successifs, sur la partie supérieure du décor à deux niveaux au sein duquel Ivo van Hove présente sa nouvelle création : Antigone de Sophocle, en langue anglaise, dans une traduction de la poétesse et helléniste canadienne Anne Carson (le spectacle est surtitré en français), avec dans le rôle-titre la comédienne Juliette Binoche. En fond de scène, un espace de projection monumental – percé, en son centre, d’une petite ouverture au-dessus de laquelle se détache une grande sphère lumineuse – laisse apparaître un paysage participant à cette sorte de bourrasque (suivront, tout au long de la représentation, des vidéos de terres désertiques et de scènes urbaines floutées). Unique concrétisation des souffles de la tragédie, cette introduction venteuse laisse rapidement la place à l’atmosphère mesurée, sans véritable remous, au sein de laquelle le metteur en scène belge a souhaité installer l’histoire de la fille d’Œdipe. L’histoire d’une sœur qui préfère mourir plutôt que de laisser la dépouille de son frère Polynice sans sépulture, comme l’exige son oncle, le roi Créon.
Un traitement en creux des affects et des sentiments
Antigone s’oppose à la loi temporelle, circonstancielle de la cité pour se conformer aux injonctions intimes et irrécusables qui s’expriment au fond d’elle-même. Pour elle, mourir n’est rien. Ce qui lui semble en revanche insupportable, c’est la perspective de ne pas tout mettre en œuvre pour accomplir son devoir de sœur. Loin d’une vision lyrique et enflammée de son personnage, Juliette Binoche se fond dans la troupe de comédiens britanniques réunis par Ivo van Hove (Obi Abili, Kirsty Bushell, Samuel Edward-Cook, Finbar Lynch, Patrick O’Kane et Kathryn Pogson) pour livrer un portrait de l’héroïne non pas sec, non pas distancié, mais comme retenu, comme intériorisé. Dans cette vision contemporaine d’Antigone, les grandes secousses de la tragédie sont laissées de côté pour privilégier une forme de pondération, de traitement en creux des affects et des sentiments. Le parti pris est exigeant, et même risqué d’une certaine façon. Car dans la grande salle du Théâtre de la ville, tout cela se perd un peu. La force et les émotions contenues dans la pièce de Sophocle nous apparaissent voilées. Aplanies. Comme enfermées dans un monde dont les profondeurs et les accents ne nous parviennent que partiellement.
Manuel Piolat Soleymat
Les lundis, mardis, mercredis, jeudis et samedis à 20h30, les dimanches à 15h. Spectacle en anglais surtitré en français. Durée : 1h35. Tél. : 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com
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