Grand-père n’aime pas le swing
Ce duo est la toute dernière création de [...]
Alice Ripoll, jeune et talentueuse chorégraphe brésilienne, revient en France avec Cria, une nouvelle création aussi survoltée qu’émouvante.
Vêtus de costumes colorés ou pailletés, ils défilent de cour à jardin et de jardin à cour, sur un tapis de lumière rouge. Seuls, en duos ou trios, ils se croisent, bougent, vibrent, virtuoses, avec une énergie ébouriffante au son d’un funk carioca survitaminé. L’on reconnait du twerk, du voguing, du popping ou du break, mais ils ont une saveur particulière. C’est que le Brésil a ses danses urbaines, dénommées passinho ou dancinha, qui ont su fusionner hip-hop et samba ou frevo, une danse carnavalesque et acrobatique. Dans une série de tableaux plus débridés les uns que les autres, à la sensualité à fleur de peau, les bras s’agitent, rapides et agiles, les jambes effectuent des mouvements ultra complexes, les sauts déflagrent, à moins que les pieds ne s’ancrent dans le sol et que les hanches chaloupent. Mais bientôt, çà et là, le voile de ce Brésil en partie fantasmé, sexy en diable et où ne règneraient que fête, carnaval et culte du corps, se déchire.
Une réalité plus intime et plus grave
Par instants la musique se tait et, à tour de rôle, danseurs et danseuses laissent entrevoir une réalité plus intime, dévoilant une danse sensible en bord de scène, haranguant en riant le public ou avouant dans un français chantant aimer les hommes et l’argent. Une réalité plus grave et politique aussi. Car, à l’instar de son aînée Lia Rodrigues, Alice Ripoll travaille depuis plusieurs années avec des interprètes issus des quartiers pauvres. Les dix jeunes et magnifiques interprètes que l’on découvre sur scène vivent dans les favelas de Rio. Alors, tous se resserrent sous une douche de lumière comme un cœur qui battrait à l’unisson. Par touches, l’autre avec qui l’on fait la noce devient celui qui vous relève, vous porte, contre lequel on se blottit, et qui pourrait s’éteindre. À l’occasion de la venue de son précédent spectacle, Suave, à La Villette, la chorégraphe nous confiait : « La culture des ghettos brésiliens m’a toujours beaucoup intéressée. […] Sa créativité, son érotisme, son charisme nous rapprochent du réel, de la vie. » Puis elle ajoutait : « Travailler avec eux m’a apporté un élan de créativité et de courage. »
Delphine Baffour
à 20h30. Tél. 01 34 20 14 14. Durée : 1h. Spectacle vu au Carré-Colonnes, Saint-Médard-en-Jalles, dans le cadre du Festival International des Arts de Bordeaux Métropole.
Également du 10 au 12 décembre à La Villette, le 16 décembre au Tandem, Douai.