La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Ali Baba

Ali Baba - Critique sortie Théâtre Marseille La Criée
DR

Théâtre de la Criée / Ali Baba / conception et mes de Macha MakeïeffEntretienMacha Makeïeff /

Publié le 2 mars 2013 - N° 207

La directrice du Théâtre de la Criée adapte et met en scène l’histoire d’Ali Baba, dans un Orient rêvé et syncrétique, polyglotte et multiculturel : à l’image de Marseille et en hommage à cette ville.

Pourquoi avoir choisi cette histoire entre toutes ?

Macha Makeïeff : C’est à cause des Mille et une Nuits, ce livre fondateur qui parle à l’imaginaire de chacun, au mien comme à celui de tout public. Ensuite, en pensant à Marseille, le personnage d’Ali Baba s’est naturellement imposé. L’Affaire Ali est connue à Marseille ! Pour tous, ici, il est un personnage familier, un cousin, un voisin, une vieille connaissance. Enfin, parce que cette histoire, qui mêle la mort, la brutalité, l’intelligence et la sensualité, ouvre le champ de tous les possibles théâtraux. Avant de monter Ali Baba, il fallait que je réalise Les Apaches, un spectacle extrêmement intime, mais dans le projet que j’avais pour La Criée, c’est Ali Baba qui comptait.

Pourquoi ?

M. M. : Faire un spectacle, c’est aller vers les autres, partir de l’intime et rejoindre l’universel, mais aussi revenir à soi. Ali Baba permet cet aller-retour : je veux qu’on y entende les bruits de Marseille et j’aime à y retrouver ceux de ces mondes qui m’ont construite. On retrouve en Ali un personnage anonyme touché par le destin. La vie de cet homme, dont je fais un ferrailleur, bascule quand il découvre son trésor. Cela fait écho en quiconque s’interroge sur son destin, d’autant que le conte, extrêmement prosaïque, peu marqué par le merveilleux, nous permet d’autant mieux de nous interroger là-dessus. Où est l’enchantement ? C’est aussi ce qui fait l’humanité du personnage et sa grande proximité avec tout un chacun. Et puis, qu’en est-il de ce trésor qu’Ali Baba a peut-être rêvé (dans les contes, on ne sait jamais !) : l’argent rend fou. Il y a en Ali un peu du prince Mychkine, comme un innocent aux mains pleines, mais quelque chose de la maladresse agressive du Bourgeois gentilhomme. Entre rêverie et prosaïque, la fable rend compte des bruits du monde et des mouvements du cœur, de l’âpreté des relations humaines avec une absolue fantaisie : c’est l’exercice de cette fantaisie qui m’importe, doublé d’un regard malicieux et fraternel. C’est aussi parce que j’avais la troupe pour ça, et Atmen Kélif pour Ali, que l’aventure a lieu.

« L’Affaire Ali est connue à Marseille ! »

 

Quel est l’Orient dont vous rêvé avec ce spectacle ?

M. M. : Je crois que cet Orient est à l’intérieur du personnage lui-même. Il est à la fois celui du souvenir des fêtes de Jacques Fath et de l’orientalisme, et celui du quartier Noailles, tout près du Vieux-Port ; il  est multiple, présent partout. Partout, on repère des bouts d’Orient : c’est ce côté émaillé qui me touche, qui fait la saveur du monde actuel, et fait aussi que la rue est aimable, touchante, puissante. Le décor, puisque je commence toujours par là, reproduit ce mélange de réalité et de merveilleux. On retrouve cette notion de mélange dans les langues : le persan, l’arabe et le français, à la fois échos du monde et moyens de rendre compte des trois temps de l’écriture de ce conte. On la retrouve aussi dans la distribution : des comédiens persans, un venu du Cap-Vert, un autre franco-arabe. Chacun apporte ce qu’il est, et la diversité des personnes rejoint celle des disciplines. Le théâtre affirme la diversité du monde. Avec joie.

Pourquoi avoir choisi Elias Sanbar pour collaborer à l’adaptation ?

M. M. : Elias est quelqu’un pour lequel j’ai la plus grande estime et beaucoup d’amitié, quelqu’un de rare et d’étonnant, un intellectuel et un homme d’action, de terrain. Il m’a accompagnée dans le substrat de cette culture arabe avec son bel esprit et son humour de la désespérance. Au théâtre, on a besoin de ces regards distancés. Je ne me sentais pas d’aborder cet aspect de la culture orientale sans être accompagnée par quelqu’un qui l’incarne.

Autour du spectacle, a lieu Caravansérail, manifestation protéiforme. Pourquoi ?

M. M. : Ce caravansérail rejoint mon projet pour ce théâtre qui m’est confié. Il y a le spectacle, certes, mais aussi des débordements tout autour, propositions et attractions accessibles et gratuites, des contes, une exposition, de la cuisine orientale, de la musique, des conférences très pointues, des ateliers pour les enfants. Pour La Criée, j’ai voulu un projet singulier pour une ville singulière, en dédramatisant la chose culturelle, en cassant l’intimidation, en trouvant d’autres chemins vers le théâtre. Tout autour du spectacle, sont accueillis ceux qui s’apprivoisent. Il m’importe beaucoup que ce théâtre soit ouvert sur sa ville, sur Marseille et donc sur le monde.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

ALI BABA
du mercredi 13 mars 2013 au mardi 26 mars 2013
La Criée
30, quai de Rive Neuve, 13007 Marseille

Mardi et mercredi à 19h ; jeudi, vendredi et samedi à 20h ; dimanche à 15h (relâche le 17). Tél. : 04 91 54 70 54. Renseignements sur www.theatre-lacriee.com

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