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Danse - Gros Plan

Albert Khoza invente un rituel

Albert Khoza invente un rituel - Critique sortie Danse Paris Théâtre de la Bastille.
Crédit : Robyn Orlin Légende : Albert Khoza, à découvrir sous le regard de Robyn Orlin.

Théâtre de la Bastille
Chorégraphie Robyn Orlin

Publié le 25 septembre 2016 - N° 247

Il nous avait hypnotisés, la saison dernière, dans un solo exposant au grand jour sa voix de guérisseur comme de performeur. Albert Ibokwe Khoza revient au Théâtre de la Bastille, sous la direction de sa compatriote Robyn Orlin, à cette occasion volontairement plus politique.

Son solo, Influences of a closet chant, figurait le portrait d’un homme, au croisement de ses pratiques de sorcier sangoma en lien direct avec les ancêtres et de son parcours d’artiste de la scène. Dans un rituel le menant jusqu’à un petit autel, on découvrait ce corps massif et débordant, sa chevelure ramassée en un long filin fouettant l’espace lors de ses tournoiements. Empreinte de spiritualité, sa présence ramenait tout autant à des moments vécus à travers le témoignage qu’il livrait, alors que guérisseur, noir, gay et obèse, il cherchait sa légitimité en tant que danseur dans son école d’art. Une matière en or pour Robyn Orlin, qui a toujours su dépeindre les problématiques de la société sud-africaine à travers des personnalités ou des groupes, faisant de son théâtre le lieu de confrontation du politique et du social – avec l’humour en prime ! Pour autant, la chorégraphe a d’emblée voulu prendre ses distances avec l’aspect biographique qu’aurait pu prendre son travail avec lui. Avec And so you see… our honourable blue sky and ever enduring sun… can only be consumed slice by slice…, c’est davantage l’opportunité de se replonger dans un discours engagé, prenant à bras-le-corps la problématique de la discrimination à l’œuvre dans cette histoire personnelle, et, au-delà, dans l’Afrique du Sud post-apartheid que Robyn Orlin continue de dépeindre sans relâche.

Chaman des temps modernes

Qu’ont en commun Robyn Orlin, le poil-à-gratter de la scène sud-africaine, chorégraphe blanche reconnue dans le paysage artistique international, et Albert Khoza, venu de Soweto, passé par l’université et dépositaire d’une culture ancestrale ? Sans doute le même dégoût pour la violence, l’injustice, la même méfiance pour les normes et les cadres établis, le même talent pour porter le corps au centre des enjeux essentiels du monde d’aujourd’hui. Au-delà de lui-même, le performeur est invité ici à dépasser les figures archétypales qu’on a bien voulu lui accoler pour revêtir les atours d’une parole plus universelle. Pour ce faire, la chorégraphe s’est adossée au thème des sept péchés capitaux dans lequel l’artiste voyagera. La scène matérialisera un « tiers monde », tandis que la salle figurera le « premier monde », et l’utilisation de la caméra en direct viendra renforcer cette distinction et troubler le positionnement de celui qui regarde. Et Albert d’inventer de nouveaux rituels, d’invoquer on ne sait quelle toute-puissance pour mieux exorciser la marche du monde.

 

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Albert Khoza invente un rituel
du lundi 31 octobre 2016 au samedi 12 novembre 2016
Théâtre de la Bastille.
76 Rue de la Roquette, 75011 Paris, France

à 19h30, relâche le dimanche. Tél. : 01 43 57 42 14.

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