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Théâtre - Critique

Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg recréent « Les Misérables » au Châtelet dans la mise en scène de Ladislas Chollat : poignant et universel

Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg recréent « Les Misérables » au Châtelet dans la mise en scène de Ladislas Chollat : poignant et universel - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Châtelet
© Thomas Amouroux Les Misérables, comédie musicale populaire et universelle.

Théâtre du Châtelet / d’après Victor Hugo / livret Alain Boublil / musique Claude-Michel Schönberg / mise en scène de Ladislas Chollat

Publié le 27 novembre 2024 - N° 327

Quelque 30 ans après sa version française, la comédie musicale Les Misérables est recréée au Châtelet par Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, dans une mise en scène de Ladislas Chollat. Un grand spectacle théâtral et musical, tout public, de 9 à 99 ans !

Les Misérables, qu’on nomme Les Miz dans la production anglophone de Cameron Mackintosh, qui fit escale à Mogador en 1991 et au Châtelet en 2010, c’est tout simplement le plus grand succès mondial de l’histoire de la comédie musicale (130 millions de spectateurs dans plus de 53 pays et 22 langues, plus que West Side Story…). Un succès qui ne peut que faire écho à la brève préface du monument Les Misérables écrite par Hugo en 1862, en exil à Guernesey : « Tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. » Pour cette recréation 33 ans après la version française mise en scène par Robert Hossein, Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg ont revisité les textes ainsi que l’orchestration. Ode au peuple et à sa volonté qui se rebelle contre l’étouffement de ses voix, la traversée sociale et intime, mais aussi historique et philosophique, éclaire celles et ceux dont le destin est scellé par la pauvreté, habités par les ombres du passé, asservis par un système qui les broie. Épris d’idéal, vent debout contre l’asphyxie sociale, Hugo met en lumière les dilemmes et tensions qui assaillent l’âme humaine, et surtout la possibilité de l’espoir, la bonté qui transforme et fait reculer le mal. Le souffle épique de la fresque hugolienne est ici exalté, galvanisé, formidablement concrétisé par la comédie musicale, dans une diction parfaite et une souplesse du chant ample et précise. Condensant en une succession de scènes saisissantes les 1500 pages de la somme hugolienne, l’épopée touche au cœur. Le cœur justement… plus central que l’intellect pour abattre les murailles.

Le cœur bat sous la carapace

Celui de Cosette (Juliette Artigala) et Marius (Jacques Preiss) saisi par l’amour (en évitant le piège de la mièvrerie), celui de la poignante Éponine (Océane Demontis) et de l’enfant Gavroche (4 enfants l’interprètent en alternance) frappé par une balle lors des journées d’insurrection en juin 1832, celui de Jean Valjean (Benoît Rameau) qui bat sous la carapace… La fine caractérisation des personnages – qui se plaît à laisser brillamment place à l’humour et au grotesque pour croquer les inénarrables Thénardier (David Alexis et Christine Bonnard) – accorde à chacun d’entre eux une fort belle présence, ancrée dans la société brutale de l’époque. La mise en scène au cordeau de Ladislas Chollat entrelace habilement diverses strates intimes et collectives, divers registres. La traque de l’ancien bagnard Jean Valjean par le policier Javert (Sébastien Duchange) structure le livret. Le premier, 19 ans d’une vie volée, écrasée sous le talon de la loi, qui une fois libéré demeure à cause d’un passeport jaune frappé d’infamie. Le second, enfermé dans une prison mentale qui le voue tout entier à une implacable poursuite des criminels. Leur confrontation est remarquable. Ainsi s’ouvre un intemporel et actuel questionnement sur les frictions entre bien et mal, servitude et liberté, pauvres gens et puissants. Les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz ancrent l’œuvre dans son époque, tandis que le beau décor d’Emmanuelle Roy, relié à une symbolique de la rédemption, et la vidéo de CUTBACK délicatement suggestive accompagnent le cheminement des personnages. Les interprètes sont tous éblouissants. N’oublions pas Fantine (Claire Pérot), l’évêque de Digne (Maxime de Toledo) et Enjolras (Stanley Kassa). La standing ovation à la fin impressionne. Elle acclame la qualité du spectacle, et peut-être aussi un peu le désir ardent d’Hugo et des artistes : rallions « la croisade de ceux qui croient au genre humain »…

Agnès Santi

A propos de l'événement

Les Misérables
du mercredi 20 novembre 2024 au jeudi 2 janvier 2025
Théâtre du Châtelet
place du Châtelet, 75001 Paris

du mardi au vendredi à 19h30, samedi à 15h et 20h, dimanche à 15h. Tél. : 01 40 28 28 40. Durée : 3 heures avec un entracte.

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