Le Bourgeon
Nathalie Grauwin adapte et met en scène la [...]
Stéphane Ricordel et Olivier Meyrou signent une ode à la vie et à l’amitié portée par le langage de l’acrobatie et des images.
Une béance, qui soudain suspend l’élan de la vie et déchire la chair du présent, crie au plus secret de soi. Un trou noir, creusé par la déflagration d’un accident, d’une disparition. Reste l’absence, obstinément. Et puis le temps… C’est cette intime déchirure et la reconquête de soi que dévoile Acrobates, conçu par le cinéaste Olivier Meyrou et le metteur en scène Stéphane Ricordel, en mémoire de Fabrice Champion, trapéziste des Arts Sauts resté tétraplégique à la suite d’une collision en vol et mort l’an passé lors d’un rituel chamanique au Pérou. Depuis dix ans, Olivier Meyrou réalisait un documentaire sur lui et le suivait dans sa lutte au quotidien pour recouvrer son corps handicapé puis dans son retour au cirque depuis qu’il avait entrepris un trio acrobatique avec Alexandre Fournier et Matias Pilet, jeunes circassiens dont il était le professeur. Aujourd’hui, Stéphane Ricordel, cofondateur des Arts sauts, poursuit cette aventure laissée en suspens et crée avec eux une pièce à la croisée du documentaire, du cirque et du théâtre.
Bouleversante humanité
Plus qu’un hommage, Acrobates montre le cheminement de deux êtres qui traversent la douleur du deuil et découvrent en eux l’énergie vitale et la richesse expressive que recèle l’acrobatie comme langage et façon d’être au monde. Hommes au seuil de leur devenir, ils cheminent dans l’incertain de l’existence et des rêves, guidés par l’instinct et le défi, guidés aussi par le souvenir de leur ami qui leur apprit la valeur de la vie et la force du désir, qui leur dévoila leurs peurs, leurs questionnements identitaires, et leur donna le courage de l’amitié face aux coups du destin. L’acrobatie au main à main dit ici le risque, l’effort, la confiance, l’acceptation totale de l’autre. Evoluant dans un espace en métamorphose, Alexandre Fournier et Matias Pilet jettent leurs corps dans la bataille et racontent ce tumultueux voyage qui les a révélés à eux-mêmes. L’épuisement qui peu à peu les transfigure, leur entente muette, leur engagement total, leur présence lumineuse et leur générosité donnent à leur histoire la force d’une allégorie.
Gwénola David