La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

A la trace

A la trace - Critique sortie Théâtre Lyon Célestins
A la trace en tournée en France. CR : Jean-Louis Fernandez

En tournée / texte de Alexandra Badea / mes Anne Théron

Publié le 28 janvier 2018 - N° 262

Créé au TNS, A la trace piste la difficulté d’être mère, d’être femme, d’être tout simplement, dans un univers mondialisé.

A la trace croise plusieurs histoires. Tout d’abord celle d’une jeune fille qui, à la mort de son père, trouve le sac d’une femme avec quelques affaires dedans, dont une carte d’électeur qui l’identifie comme appartenant à Anna Girardin. Sans trop savoir pourquoi, Clara se lance à la recherche de cette femme, de ce passé enfoui dans une cave, quitte ses études et sa mère, et localise par Internet toutes celles qui répondent à ce nom. Anne Théron, la metteuse en scène, considère ce texte comme un polar mais on conviendra qu’il n’en a pas l’intensité dramatique. D’autant plus qu’on comprend vite que la solution se trouve sans doute du côté de cette autre histoire avec laquelle la première s’entrelace, celle d’une femme qui se raconte autant qu’elle se cache au gré de conversations avec des hommes sur Internet. A la trace, c’est enfin l’histoire d’une rencontre entre une metteuse en scène et une autrice, entre Anne Théron, artiste associée au TNS, grande amatrice de textes littéraires qu’elle aime mettre en sons et en images au plateau, et Alexandra Badea, qui depuis Pulvérisés a imposé les monologues de ses personnages mondialisés et dématérialisés sur les scènes françaises.

De la nécessité de régler le passé

Au plateau, dans une grande structure de neuf cubes empilés en trois colonnes, comme de petits appartements, trois générations de femmes, quatre comédiennes impeccables dans leurs personnages. Liza Blanchard en jeune femme volontaire et fragile, Judith Henry qui se métamorphose en différentes et toujours convaincantes Anna Girardin, Nathalie Richard en quinquagénaire errante et blessée, et Maryvonne Schiltz pour porter la souffrance des mères. Les hommes, eux, n’apparaissent qu’en images, lorsqu’ils sont mis en connexion. Ils n’ont pas le mauvais rôle, pris eux aussi dans des existences complexes et tissées de compromis. Mais leur prise sur ce monde pour une fois est limitée, virtuelle. Longtemps coincée dans le croisement répétitif des deux fils narratifs, toutefois, l’histoire patine et les personnages parviennent difficilement à prendre chair. La faute à des dialogues souvent trop appuyés, didactiques, où les personnages abusent d’explications raisonnées et d’affirmations sentencieuses. Puis, les ordinateurs se referment, les êtres de papier deviennent de chair et la lumière se fait sur les destinées individuelles et féminines dans un dénouement simple et surprenant, d’une densité et d’une épaisseur nouvelles. De la nécessité de régler le passé pour s’offrir un présent aux malédictions féminines qu’il faudrait briser une fois pour toutes, tout sonne et résonne alors avec une justesse touchante. De cette qualité-là, où l’émotion circule dans l’histoire et dans le jeu, on aurait aimé prolonger le plaisir.

Eric Demey

A propos de l'événement

A la trace
du mercredi 28 février 2018 au samedi 3 mars 2018
Célestins
4 Rue Charles Dullin, 69002 Lyon

A la Passerelle à St-Brieuc les 20 et 21 février, aux Célestins à Lyon du 28 février au 3 mars, à la Comédie de Béhune du 20 au 23 mars, à la MC2 de Grenoble du 24 au 27 avril, au Théâtre la Colline du 2 au 26 mai. Spectacle créé et vu au Théâtre National de Strasbourg. Durée : 2h.

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