Le petit bijou théâtral « 4211 km » de Aïla Navidi continue sa route, entre Paris et Téhéran
Studio Marigny / Texte et mise en scène Aïla Navidi
Publié le 20 novembre 2024 - N° 327
Avec une maîtrise qui force l’admiration, Aïla Navidi nous plonge dans le vécu de la famille Farhadi entre Téhéran et Paris. Un bijou théâtral, profondément émouvant.
« Cette pièce est un cri. Un cri que j’avais en moi depuis toujours » confie l’autrice et metteure en scène Aïla Navidi. Un cri né de l’épreuve du déracinement, un cri qui se fait bijou théâtral, façonné et poli avec savoir-faire, précision, limpidité, et aussi certainement beaucoup d’amour. Un cri comme une empreinte chatoyante, nécessaire, qui vise à rendre hommage aux aînés autant qu’à être transmise aux enfants. Et qui montre magnifiquement que l’identité ne se pense pas en parts distinctes, mais constitue un tout pluriel nourri de multiples affluents, qu’il n’est pas toujours aisé de conjuguer. Au cœur de l’histoire, Yalda, née à Paris le 9 octobre 1981, qui parfois se fait narratrice, fille de Mina et Fereydoun Farhadi, réfugiés politiques qui dans les années 1970 combattirent courageusement le Shah d’Iran avant de se faire voler leur Révolution par la dictature du régime islamique et de devoir fuir en France. Un séjour censé être transitoire avant de rentrer à la maison, qui se prolongea pendant des décennies.
Une histoire d’amours, au pluriel
Rythmée, fluide et subtilement agencée, sans aucune seconde de relâche, l’épopée plonge au cœur du vécu de la famille Farhadi, traversant l’espace et le temps : de Téhéran à Paris, soit 4211 kilomètres à vol d’oiseau, d’une génération à l’autre, des années 1970 à aujourd’hui, où depuis l’assassinat le 16 septembre 2022 de la jeune Mahsa Amini, arrêtée pour un voile mal ajusté, les mollahs répriment férocement le désir de liberté de la population. De l’espace scénographique à l’utilisation de la lumière, tous les effets du théâtre se conjuguent dans une parfaite cohérence. Il est fréquent voire galvaudé de dire qu’au théâtre le singulier rejoint l’universel, ou que l’intime rejoint le politique. Servie par de formidables comédiens – Olivia Pavlou Graham, Florian Chauvet, Aïla Navidi, Sylvain Begert, Damien Sobieraff et June Assal -, cette pièce y parvient profondément : malgré la violence de l’Histoire avec sa grande hache (comme le disait l’orphelin Georges Perec, dont la famille fut décimée par les nazis), malgré les drames, le désir de vivre l’emporte et unit les générations. Il est beau que le théâtre se fasse ainsi mémoire, et célébration de la liberté.
Agnès Santi
A propos de l'événement
4211 kmdu vendredi 1 novembre 2024 au mardi 31 décembre 2024
Théâtre Marigny – Studio Marigny
Carré Marigny, 75008 Paris
Du mardi au samedi à 21h
Les dimanches à 15h
Durée : 1h45
Service aux spectateurs : 01 86 47 72 77
Spectacle vu au Théâtre de Belleville à Paris.